Tobie 6, 2-18

Le poisson

Père Benoît M. Billot

Le chemin de Tobie, Initiation et guérison, p. 88s

          L’ange lui dit : Attrape-le, maîtrise-le ! Tobie doit réagir dans la seconde, sans avoir le temps de réfléchir. Mais il n’a peut-être pas l’habitude de décider. C’est pourquoi la voix ferme d’Azarias se fait entendre. Le jeune homme obéit immédiatement. Ce n’est ni un acte de bravoure, ni une décision raisonnablement mûrie, mais un acte de foi : il a eu confiance en son accompagnateur et s’en est trouvé plus fort.

          Tel est le premier grand combat de Tobie. Un combat initiatique auquel personne ne saurait échapper. C’est un passage obligé de toute vie spirituelle. Heureux qui accueille, en cet instant, la présence de l‘ange, la parole d’un tiers, ou la voix intérieure. Azarias est là, en effet, pour lui conseiller fermement : Attrape-le, maîtrise-le ! Toute la suite va en découler, avec les fruits de guérisons que le garçon pourra cueillir. Tobie a rendez-vous avec lui-même. Le récit exprime, de façon symbolique, cette rencontre, la première, du jeune homme avec des couches de sa personnalité qu’il ne soupçonnait pas. On peut très bien penser ici au face à face de Jésus avec Satan, au désert, ou à la lutte nocturne de Jacob avec l’ange.

          Bien des spirituels chrétiens rappellent que, dans les Eglises primitives, le Christ était souvent représenté par un poisson, Iktus en grec. On pouvait lire ainsi : Iesus Christos Theou Uios Soter (Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur). On peut en effet, dans une interprétation chrétienne du texte, voir dans ce monstre des profondeurs, un symbole du Christ cherchant à attirer Tobie à lui. Cette façon de voir rencontre un courant de réflexion contemporain qui se prépare à l’accueillir dans les sphères obscures et hésitantes de l’être humain, comme dans la simplicité quotidienne des petits événements de la vie. En témoigne le litre du livre de Christian Bobin, Le Très-Bas, en complément du titre traditionnel donné à Dieu, le Très-Haut.