Daniel 1, 1-21

Daniel et la fin des temps

Père Paul Beauchamp

Cinquante portraits bibliques, p. 245s

 

Daniel, c’est un nom propre mis sur un moment d’histoire plutôt que le nom d’un homme qui aurait joué un rôle dans l’histoire. Daniel n’est pas l’auteur, mais le héros du livre qui porte ce titre, et dont le contenu est fait de trois genres d’écrits. Soit nous sommes devant des épisodes merveilleux racontés avec un naturel qui déroute, ces épisodes n’auraient-ils pas un sens second ? Soit Daniel interprète comme un mage les rêves des grands rois. Soit de terribles visions l’accablent lui-même et il ne peut pas les décrypter sans le secours d’un ange : elles ont pour objet le sort final du monde entier.

Le livre de Daniel est un écrit fort tardif, le plus récent de la Bible hébraïque, rédigé quatre siècles après les événements qu’il raconte. Ceux-ci se déroulent pendant l’exil, entre le règne de Nabuchodonosor le Babylonien et celui de Darius le Mède, alors que le livre est écrit sous le règne d’un des successeurs d’Alexandre, vers 165 avant Jésus-Christ, dans l’ambiance de la civilisation grecque, qu’une politique dominatrice veut inculquer de force à Israël au mépris de ses lois. La narration d’événements bien antérieurs au narrateur et à ses lecteurs leur demande l’effort de les transposer. Il s’agit de leur faire comprendre, par la fiction d’un cadre archaïque, ce qui, en réalité, vient de leur arriver sous cette pression étrangère à leur culture et à leur foi.

L’auteur transpose, sur un mode un peu féerique, des faits réels : des  juifs avaient préféré mourir plutôt que de transgresser leur Loi. C’était lorsqu’Antiochus Epiphane, fier de rassembler de nombreux peuples dans son empire, avait interdit sous peine de mort d’obéir à cette Loi de Moïse parce qu’elle mettait à part un seul parmi tous ces peuples. C’était si beau, aux yeux du roi hellénisé, de devenir un Grec comme tous les autres s’y étaient empressés ! Or le sort de ces martyrs de la Loi est bouleversant pour Israël : il lui apporte une expérience nouvelle. Car sa religion, pendant des siècles, avait promis le bonheur à ceux qui observeraient la Loi de Moïse, après quoi l’on s’était scandalisé de voir prospérer tant de méchants. Mais cette fois, tout s’aggrave bien davantage : c’était précisément parce qu’ils avaient observé la Loi que des justes avaient été tuée, et sans que Dieu fasse rien pour eux. Pourtant, ils s’étaient préparés à être fidèles, quand bien même que Dieu n’interviendrait pas pour les soustraire au supplice. S’ils restaient fidèles, ce ne serait donc pas pour échapper à la mort.