Luc 1, 57-66

A propos de Jean-Baptiste

Saint Aelred de Rievaulx

Sermon 14 pour l’année, Pain de Cîteaux 11, p. 208s

 

J’avoue, frères, que je ne suis pas peu honteux de mes discours assez médiocre, mais je retrouve une certaine hardiesse quand je regarde le bienheureux Zacharie, père du précurseur. Lorsqu’il voulut prononcer le nom de Jean, il devint parfaitement éloquent par le simple fait d’exprimer ce nom, alors qu’il avait été muet jusque-là. Peut-être que nous aussi ne serons-nous pas tout-à-fait muets si nous commençons à parler de Jean.

Mais que dire de lui ? Que dirons-nous à sa louange ? Avant même de naître, il a été loué par une voix qui fait autorité, celle d’un ange ; dans le sein où il est arrivé en étant contaminé par le péché, il est devenu, par une grâce ineffable, la très digne demeure de l’Esprit Saint. Il ne faut pas non plus omettre les autres détails : c’est un prêtre qui fut choisi pour être son père, c’est au Temple que sa naissance fut annoncée, son nom lui fut imposé et c’est un ange qui l’indiqua. Et l’heure n’est pas sans importance : c’était en effet à l’heure de l’encens.

Plût au ciel, mes frères, que nous fassions partie de ces prêtres à qui l’apôtre Pierre dit : Vous êtes un peuple élu, vous êtes une royauté de prêtres. Plût au ciel que notre cœur soit un temple de Dieu, comme dit  l’apôtre : Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous. Alors, à l’heure de l’encens, à l’heure d’une salutaire componction, quand notre prière s’élève comme un encens devant la face de Dieu, peut-être qu’un ange nous apparaîtra, un messager de la grâce divine. Car Jean signifie grâce de Dieu. Et c’est à propos que, à l’instigation de l’Ange, ce nom lui fut donné puisque, encore couché dans le sein maternel, il reconnut la grâce ineffable, celle du Verbe fait chair. Par la suite encore, il désigna du doigt ce même Verbe fait chair, et, admirable prédicateur de la grâce de Dieu, il a ouvert par sa parole le chemin vers le Royaume céleste, même aux publicains et aux prostituées, faisant comme violence à la pureté du ciel par la conversion de ceux-ci. C’est pourquoi le Seigneur a dit, dans l’Evangile, ce que vous avez entendu il y a un instant : Depuis les jours de Jean, le Royaume des cieux souffre violence et les violents s’en emparent.