Hébreux 12, 14-29

« Dieu est un feu consumant »

Père Jacques Guillet

Jésus-Christ dans notre monde, p. 190s

 

          N’approche pas d’ici. Ôte tes sandales de tes pieds, car le lieu que tu foules est une terre sainte. La première expérience de Dieu est bien souvent de découvrir qu’il était là sans que nous le sachions : En vérité, le Seigneur est en ce lieu et je ne le savais pas, s’écrie Jacob se réveillant à Béthel. Plus tard, revenant dans son pays. Avant lui, Abraham avait fait la même expérience : dans les trois voyageurs qu’il aperçoit sous le chêne de Mambré et qu’il traite avec sa généreuse hospitalité, il apprend à reconnaître son Dieu. Et quand, sur la montagne de Moriyya, Dieu intervient pour arrêter son bras levé sur Isaac, c’est pour lui dire qu’il n’avait rien perdu de ces journées d’angoisse, et qu’il savait maintenant ce qu’il y avait dans son cœur de fidélité au Seigneur et de tendresse pour son fils : Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’a pas refusé ton fils, ton unique. La crainte de Dieu, l’amour paternel, Dieu est aussi attentif à l’un qu’à l’autre, il veille soigneusement sur l’un et sur l’autre.

          Ainsi dans une vie, l’heure où Dieu apparaît n’est pas celle où il commence d’agir. Souvent, au contraire, l’heure où il commence réellement d’agir est celle où toutes ses traces semblent perdues. Exilé, poursuivi par la police de Pharaon, Moïse n’est qu’un fugitif perdu dans le désert, réduit à se lier à un étranger, quand soudain Dieu se révèle à lui. Moment fulgurant et éblouissant, mais la flamme qui jaillit du buisson, comme elle illumine le ciel et transfigure le désert jusqu’à l’horizon, éclaire toute l’aventure où est jeté Moïse. Le malheur de son peuple, la tyrannie de l’Egypte, sa propre impuissance, ce chemin d’exil qui aboutit au vide du désert, ce n’est, en apparence, qu’échec et non-sens. Or Dieu, lui aussi, a suivi ce chemin : J’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu sa clameur. Je connais ses angoisses, Je suis résolu.

          Révélation déconcertante : il faut croire à la fois que Dieu ne veut pas ce malheur, ni cette injustice, puisqu’il y intervient pour y mettre fin, et qu’il a cependant laissé son peuple en souffrir jusqu’à en être écrasé, jusqu’à perdre les réflexes élémentaires et le goût de la liberté. Ce paradoxe ne peut s’expliquer, il ne se justifie que dans la foi qu’il suscite. Ainsi l’a compris saint Paul expliquant aux païens pourquoi Dieu a si longtemps laissé les nations suivre leurs voies : c’était afin que les hommes cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons, et pour la trouver.