Apocalypse 6, 1-17

L’énigme du premier cavalier

Père Jean-Pierre Prévost

Pour lire l’Apocalypse, p. 126s

 

          Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval blanc : celui qui le montait tenait un arc. On lui donna une couronne et il partit en vainqueur, et pour vaincre encore.

            Ce verset représente une des plus grandes énigmes du livre de l’Apocalypse, et il a donné lieux à des interprétations les plus extrêmes : on y a vu le Christ et… l’Antéchrist, en passant par tous les intermédiaires reliés à l’une ou l’autre de ces figures.

            A première vue, il semble qu’il faille y voir une puissance maléfique, puisque les trois autres cavaliers sont porteurs de malheur et que l’ensemble de ces sept sceaux a une connotation majoritairement négative. En outre la description des activités du cavalier fait référence à l’arc, qui peut être vu comme un instrument guerrier, donc dévastateur.

            En revanche, ce qui frappe davantage, c’est à quel point ce premier cavalier se détache des trois autres : le verset 8 rappelle l’action dévastatrice des trois autres cavaliers, mais ignore complètement le premier ; partout ailleurs la couleur blanche est associée au  monde divin et à la Résurrection, on ne voit pas pourquoi le cavalier blanc ferait exception, et serait annonciateur de malheur. De fait les activités attribuées au cavalier blanc, loin d’avoir une connotation tragique et meurtrière, pointent en direction de la Résurrection et de ses fruits, puisqu’il est dit du cavalier qu’on lui donna une couronne et qu’il partit en vainqueur, et vaincre encore. Dans l’Apocalypse, en effet, la couronne est toujours le signe du triomphe des justes ou du bien sur le mal. Quant au verbe vaincre, s’il est quelquefois appliqué à la Bête, il n’en demeure pas moins le verbe par excellence pour désigner la Résurrection du Christ et la participation des chrétiens à sa Résurrection.

            Il se pourrait bien que ce cavalier blanc soit le même que celui du chapitre 19,11, surnommé Fidèle et Vrai, et dont l’identité est dévoilé : il s’agit du Verbe de Dieu (19,13). On aurait alors ici, comme dans les deux autres septénaires, un prélude ou une introduction qui laisse déjà entrevoir la victoire finale. Soulignons aussi que l’interprétation christologique relève de la plus haute antiquité chrétienne.

            Bref, il y a plus d’arguments qui incitent à voir dans le cavalier blanc un porteur de la Bonne Nouvelle, associé au monde divin et à celui de la Résurrection du Christ.