Jean 20, 11-18

« Ne me touche pas »

Saint Augustin

Commentaire de saint Jean, sermon 121, PdF 31, p. 143s

 

          Jésus dit à Marie de Magdala : Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Ces paroles contiennent une vérité que nous devons examiner avec beaucoup d’attention. Jésus enseignait la foi à la femme qui l’avait reconnu comme maître, et, dans sa réponse, lui avait donné ce titre. Ce divin jardinier semait une graine de sénevé dans le cœur de Marie-Madeleine, comme il l’aurait fait dans un jardin. Que signifie donc : Ne me touche pas ? Comme si elle lui demandait la raison de cette défense, il ajouta : Car je ne suis pas encore monté vers mon Père.

          Qu’est-ce à dire ? Si les hommes ne peuvent le toucher quand il est sur terre, comment pourrait-il le toucher quand il demeure au ciel ? Il est pourtant certain qu’avant de monter au ciel, il invita ses disciples à le toucher, selon le témoignage de l’évangéliste saint Luc : Touchez et voyez, un esprit n’a ni chair ni d’os. Il dit aussi à l’apôtre Thomas : Mets ton doigt ici et vois mes mains, approche ta main et mets-la dans mon côté.

          Il reste donc qu’un mystère se cache dans ces paroles. Ou bien ces paroles ont été prononcées pour figurer, en Marie-Madeleine, l’Eglise venue des nations païennes qui n’a eu foi dans le Christ qu’après son Ascension auprès du Père, ou bien Jésus, par ces mots, a voulu que l’on ait foi en lui, qu’on le touche spirituellement, parce que lui-même et son Père ne sont qu’un. Jésus, au plus profond de son âme, est déjà mystérieusement monté vers le Père qui s’est peu à peu manifesté en lui au point que Matthieu reconnaît que le Christ est égal au Père. .Si on ne le croit pas, on ne le touche pas comme il se doit, c’est-à-dire qu’on n’a pas en lui une foi droite.

          Or Marie pouvait croire tout en pensant que le Christ était inférieur au Père, ce que lui défendent certainement ces paroles : Ne me touche pas. Elles signifient : Ne crois pas en moi dans les dispositions où tu es encore. N’en reste pas à penser que j’ai été fait pour toi, sans aller jusqu’à penser à ce par quoi tu as été faite. Comment pouvait-elle ne pas croire encore de façon charnelle en celui qu’elle pleurait comme un homme ? Je ne suis pas encore monté vers mon Père. Tu me toucheras quand tu croiras que je suis Dieu, et que je ne suis pas inférieur au Père.