Jean 6, 1-15

Les pains multipliés

Saint Augustin

Traité sur l’évangile de saint Jean, traité 24, 4-5, OC 9, p. 529s

 

          Jésus ordonne de faire asseoir la foule sur l’herbe ; Marc est le seul évangéliste à spécifier que l’herbe est verte : nous sommes donc au printemps ! Jésus prit les cinq pains et il dit la bénédiction, puis il ordonna de rompre les pains et de les distribuer à ceux qui étaient assis. Ce n’étaient plus alors les cinq pains, mais ce que le Créateur y avait ajouté en les multipliant. Et il leur fit donner de même des poissons autant qu’ils en voulurent. La multitude, cinq mille hommes, ayant été rassasiée, il resta une grande quantité de morceaux que Jésus fit recueillir, dans douze couffins, pour qu’ils ne fussent point perdus.

          Dans ces cinq pains, il faut voir les cinq livres de Moïse ; ce sont des pains d’orge  et non des pains de froment, parce qu’ils sont la figure de l’Ancien Testament. Vous savez que par suite de la conformation naturelle de l’orge, il est très difficile d’arriver jusqu’à la substance même du grain, car elle est revêtue d’une enveloppe de paille qui adhère on ne peut plus fortement et ne peut en être détachée qu’avec peine. C’est le symbole de la lettre de l’Ancien Testament qui est aussi revêtu de l’enveloppe des figures charnelles ; mais si l’on peut parvenir jusqu’à la moelle qu’elles recouvrent, on y trouve une nourriture des plus abondantes.

          Il y avait là un enfant qui portait cinq pains et deux poissons. Si nous voulons savoir quel est cet enfant, peut-être découvrirons-nous que c’est le peuple d’Israël, il portait ces pains comme un enfant sans songer à s’en nourrir. Tant que ces pains restaient entiers, ils ne faisaient que le charger ; ils ne pouvaient le nourrir qu’à la condition d’être rompus. Les deux poissons me paraissent figurer les deux augustes personnages de l’Ancien Testament qui recevaient l’onction pour sanctifier et gouverner le peuple, je veux dire le grand-prêtre et le roi. Celui, dont ces deux personnages étaient la figure à leur tour, est venu aussi sous l’emblème de la même figure, il se découvrait dans la moelle intérieure du grain d’orge, il était caché par la paille qui recouvrait le grain. Il est venu réunissant en lui ces deux personnages, le grand-prêtre et le roi ; du grand-prêtre, en s’offrant lui-même comme victime pour nous à Dieu ; comme roi, parce que c’est lui qui nous gouverne, et c’est ainsi que sont dévoilés ces mystères qui restaient cachés lorsqu’ils étaient portés. Grâce lui soient rendues, il a accompli dans sa personne les promesses de l’Ancien Testament.