2 Rois 4, 38-44 + 6,1-7

Les miracles d’Elisée

Bossuet

Deuxième Panégyrique de saint François de Paul, Troisième point

 

           Je trouve deux raisons principales pour lesquelles Dieu étend son bras à des opérations miraculeuses : la première, c’est pour montrer sa grandeur, et convaincre les hommes de sa puissance ; la seconde, pour faire voir sa bonté, et combien il est indulgent à ses serviteurs. Or je remarque cette différence dans ces deux espèces de miracles, que lorsque Dieu veut faire un miracle pour montrer seulement sa toute puissance, il choisit des occasions extraordinaires. Mais quand il veut faire encore sentir sa bonté, il ne néglige pas les occasions les plus communes. Cela vient de la différence de ces deux attributs. La toute-puissance semble surmonter de plus grands obstacles ; la bonté descend à des soins plus particuliers.

         L’Ecriture nous le fait voir en deux chapitres consécutifs du quatrième livre des Rois. Elisée guérit Naaman le lépreux, capitaine général de la milice du roi de Syrie et chef des armées de tout son royaume : voilà une situation extraordinaire, où Dieu veut montrer son pouvoir aux nations infidèles. Qu’il vienne à moi, dit Elisée, et qu’il sache qu’Israël n’est point sans prophète.

         Mais au chapitre suivant, comme les enfants des prophètes travaillaient sur le bord d’un fleuve, l’un d’eux laisse tomber sa cognée dans l’eau, et aussitôt crie à Elisée : Hélas, cette cognée n’était pas à moi, je l’avais empruntée ! Et encore qu’une rencontre si peu importante semblât ne mériter pas un miracle, néanmoins Dieu, qui se plaît à fait connaître qu’il aime la simplicité de ses serviteurs et prévient leurs désirs dans les moindres choses, fit nager miraculeusement ce fer sur les eaux, au commandement d’Elisée, et le rendit à celui qui l’avait perdu.

            Et d’où vient cela, chrétiens, si ce n’est que notre grand Dieu, qui n’est pas moins bon que puissant, nous montrant sa toute-puissance dans les entreprises éclatantes, veut bien aussi, quand il lui plaît, montrer dans les moindres la facilité incroyable avec laquelle il s’abandonne à ses serviteurs pour justifier cette parole : Tout ce qui est à moi est à toi.