1 Corinthiens 7, 25-40 ou Apocalypse 7, 9-17

Le chemin de la foi

Edith Stein

La puissance de la Croix, p. 109s

 

           Le monde que nous percevons par nos sens constitue bien naturellement la terre ferme qui nous supporte, la demeure où nous nous sentons chez nous, qui nous nourrit et pourvoit à tous nos besoins, la source de nos joies et de nos plaisirs. Qu’il nous soit retiré ou que nous soyons contraints de nous en départir, ce serait alors vraisemblablement comme si le sol se dérobait sous nos pas et que la nuit nous enveloppait de toutes parts, comme si nous devions sombrer nous-même et périr. Mais il n’en va pas ainsi. En fait nous serons placés sur un chemin très sûr, à vrai dire un chemin obscur, enfoui dans la nuit : le chemin de la foi. C’est un chemin, car il mène au but de l’unification. Mais c’est un chemin de nuit car en comparaison de la vision claire de l’entendement naturel, la foi est une connaissance obscure : elle nous fait connaître une chose, mais nous ne parvenons pas à la voir. C’est pourquoi il faut dire que même le but que nous atteignons sur le chemin de la Croix est obscur : Dieu reste pour nous ici-bas, mais dans l’union bienheureuse, un Dieu voilé. Les yeux de notre esprit ne peuvent accommoder dans sa trop forte lumière et semblent regarder dans l’obscurité de la nuit. Mais tout comme la nuit cosmique qui n’est pas, pendant toute sa durée, d’une égale obscurité, la nuit mystique a des périodes et des degrés correspondants. L’engloutissement du monde des sens ressemble à la tombée de la nuit où persiste encore la lueur crépusculaire du jour. La foi, en comparaison, c’est l’obscurité de minuit, car là, ce n’est pas seulement l’activité des sens qui est interrompue, mais aussi la connaissance mutuelle de l’entendement. Cependant, l’âme trouve Dieu, l’aube du nouveau jour de l’éternité pointe déjà dans sa nuit.

          Dieu n’est reconnu que lorsqu’il se révèle, et les esprits à qui il se révèle transmettent cette révélation. Connaître et proclamer vont de pair. Cependant plus haute est la connaissance , plus elle est obscure et mystérieuse, moins il est possible de la saisir avec des mots.