Jean 12, 24-26

Le grain tombé en terre

Saint Augustin

Sermon 305, OC 18, p. 618s

 

         Votre foi connaît quel est ce grain qui est tombé en terre, et qui y meurt avant de se multiplier. Votre foi, dis-je, connaît ce grain mystérieux parce qu’il habite dans votre âme. Personne ne peut révoquer en doute ce que Jésus-Christ a dit de lui-même. Mais lorsque ce grain se fut multiplié après sa mort, d’autres grains ont été jetés dans la terre ; de ce nombre est le bienheureux Laurent, et nous célébrons aujourd’hui le jour où ce grain nouveau a été semé dans la terre. Nous voyons quelle abondante moisson est sortie de tous ces grains répandus par toute la terre, et ce spectacle nous comble de joie si toutefois, par la grâce de Dieu, nous appartenons à son grenier. Tout ce qui fait partie de la moisson n’entre point dans le grenier. La même pluie, utile et fécondante, fait croître le bon grain et la paille. Gardons-nous de croire qu’on resserre l’un et l’autre dans le grenier, bien que l’un et l’autre croissent dans le même champ et soient foulés sur la même aire. C’est maintenant le temps de faire votre choix. Avant l’opération du vannage, il faut épurer les mœurs, de même que, dans l’aire, le grain, en s’épurant, se distingue de la paille avant qu’elle en soit séparée par le dernier vannage.

         Ecoutez-moi, grains sacrés, car je ne doute pas qu’il ne soient ici en grand nombre ; si j’en doutais, je ne serai pas moi-même bon grain ; écoutez-moi, ou plutôt écoutez en moi Celui qui, le premier, s’est appelé le bon grain. N’aimez pas vos âmes durant cette vie ; ne les aimez pas, si vous les aimez véritablement, afin de les sauver en ne les aimant pas, car ne pas les aimer ici-bas, c’est les aimer véritablement : Qui aime son âme en ce monde la perdra. C’est le grain mystérieux qui parle, le grain qui a été jeté dans la terre et qui est mort pour se multiplier. Il parle : écoutons-le, parce qu’il ne ment point. Il a commencé par faire ce qu’il nous recommande, il nous instruit par ses préceptes, il nous précède par ses exemples. Il est venu sur la terre pour perdre la vie, pour la donner et la reprendre lorsqu’il voudrait. Il pouvait dire en toute vérité : J’ai le pouvoir de donner ma vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre ; personne ne me la ravit, mais je la donne de moi-même, et je la reprends de même. Quand vous entendez le Sauveur tenir ce langage, c’est le Christ tel qu’il est en lui-même ; lorsqu’aux approches de sa mort, son âme se trouble, c’est le Christ tel qu’il est en vous. En effet, l’Eglise ne serait pas son corps, s’il n’était pas lui-même en nous.