2 Rois 9, 1-16 + 22-27

L’élection de Jéhu

Saint François de Sales

Sermon 5 pour le dimanche des Rameaux, 23 mars 1614

 

         Un jour que les princes d’Israël étaient tous réunis, Dieu parla à Elisée lui commandant d’envoyer un fils des prophètes en cette assemblée pour sacrer roi l’un de ces princes. Il appela don l’un de ces enfants et lui bailla une fiole d’huile, lui enjoignant de la part de Dieu de s’y en aller, sans s’amuser à parler à personne, mais qu’il demandât simplement le prince qu’il lui nomma ; et l’ayant trouvé, il le tira à part, lui vida son huile sur la tête en lui disant : De la part de Dieu, je te sacre roi d’Israël ; puis il s’en retourna sans faire autre chose.

Remarquez en passant la simplicité de l’obéissance de ce fils de prophète ; c’était un bon religieux, car il fit tout ainsi qu’on lui avait commandé. Oh ! Lex religieux de ce temps-ci eussent été bien plus discrets, car ils eussent au moins salué la compagnie, d’autant qu’il ne faut pas être incivil ; ou bien ils eussent recommandé au roi tout plein d’affaires pieuses après l’avoir sacré. Or, il ne faut jamais contrevenir à l’obéissance pour la pratique d’aucunes vertus, puisqu’il n’y en a point de plus nécessaire aux religieux.

Mais ceci n’est pas tout ce que je veux dire. Ce que je veux dire est qu’après que ce fils de prophète eut fait sa charge en la façon qu’on lui avait commandée, il se retira , sans craindre qu’on le jugeât ni fol, ni incivil, et sans faire autre chose pour éviter l’abjection qui lui devait venir en obéissant simplement, préférant ainsi la simplicité de l’obéissance à se réputation.

Ceci n’est pas encore tout ce que je prétends de remarquer en cette histoire : le voici. Celui qui avait été créé roi s’en retourna à l’assemblée et dit aux autres princes : Cet enfant que vous avez vu et qui m’a parlé, n’est point fol comme voue le croyez ; etil leur raconta tout ce qui s’était passé entre eux deux. Lors tous commencèrent à dépouiller leurs robes et les mirent toutes l’une sur l’autre, de sorte qu’ils en firent un trône sur lequel ils assirent le nouveau roi ; après quoi, ils se mirent tous à crier : Vive le roi !, montrant par cet acte qu’ils se soumettaient à lui le plus parfaitement qu’il leur était possible. Par cet exemple, nous sommes enseignés que si nous voulons crier véritablement : Vive le roi !, il faut que nous nous dépouillons de tout, voire même que nous anéantissions toutes nos passions, humeurs et inclinations, les soumettant avec tout notre êtreaux pieds de la divine Majesté pour être parfaitement sujets à sa sainte volonté, car l’on ne peut dire : Vive le roi !, pendant qu’il y a des rebelles en son royaume.