Michée 3, 1-12

Dieu n’est-il pas au milieu de nous ? Le malheur ne peut venir sur nous…

Père Bernard Renaud

Michée, Sophonie, Nahum, p. 69s

 

            Le prophète vient de mettre en lumière ce qui paraît à ses yeux le plus scandaleux : la justification religieuse du comportement de l’ensemble des responsables du peuple. On devine que les adversaires de Michée cherchent une parade théologique à ses mises en questions quand ils disent : Le malheur ne peut venir sur nous! C’est là un nouveau thème de la théologie populaire : ces adversaires avaient invoqué la patience de Dieu, ils apportent maintenant un motif complémentaire, la présence de Dieu à Sion. Ces dirigeants de toute obédience se fondent sur la présence divine au cœur du peuple élu, présence dont le Temple de Jérusalem est le signe le plus sensible : Dieu est au milieu de nous ! Cette formulation remonte au vieux credo israélite ; elle sera équivalemment reprise dans les Psaumes de Sion ; elle représente une des données fondamentales de la foi d’Israël.

            Mais la conséquence qu’on en tire s’avère désastreuse : Le malheur ne viendra pas sur nous. Cela, Michée ne peut l’admettre, car c’est faire de Dieu le simple garant d’une sécurité humaine, le mettre au service de l’homme, transformer la religion en assurance sur la vie. Par le fait même, Israël rabaisse Dieu au niveau d’un baal, niant ainsi sa liberté et sa Sainteté. Il ne choisit, dans la révélation que Dieu a faite de lui-même, qu’un aspect des choses en éliminant les prescriptions et les souvenirs où cette sainteté de caractère moral s’est manifestée comme une présence dangereuse.

             Aussi devant cette perversion de la foi, le prophète ne peut se contenir, et la sentence tombe terrible, impitoyable : le Temple, lieu de la Présence, sera réduit à un monceau de décombres. Devant le péché qui s’étale sans pudeur dans les rues de Jérusalem, la Sainteté redoutable va devoir exercer ses effets purificateurs et éprouvants : Sion sera labourée, Jérusalem deviendra une ruine, la montagne du Temple des hauteurs boisées. C’est la première fois qu’à Jérusalem résonne une menace aussi radicale. Cette prophétie fit une telle impression qu’un siècle plus tard, Jérémie s’en souvenait encore. Cette annonce prélude à celle de Jérémie certes, mais aussi à celle de Jésus lui-même : Jérusalem, Jérusalem, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, et vous n’avez pas voulu. Eh bien ! elle va vous être laissée déserte, votre maison. En vérité, en vérité, il ne restera pas de ce Temple pierre sur pierre : tout sera détruit.