Galates 2,19-3,14 + 6, 14-16

Le mystère de la croix : un style de vie chrétienne

Christophe Raimbault

Les Lettres Apostoliques : «  Pour vous présenter à Dieu », CE 166, p. 55s

         

           On entend aisément, dans les préoccupations de Paul pour les communautés chrétiennes, combien le mystère de la croix contribue à l’édification de ces communautés. Elles sont le corps du Christ, la famille de Dieu ; par le sang du Christ est tombé le mur de la haine, obtenue la réconciliation et la paix ; et surtout, l’Eglise apparaît comme le lieu d’effectuation concrète, de manifestation de l’amour dont témoigne le geste du Christ à la croix. Ainsi posé comme fondateur pour l’Eglise, l’événement de la croix ouvre la lecture des Ecritures, introduit à l’intelligence et à l’accueil de la parole divine de promesse, offre l’accès à la présence de Dieu.

           Un régime nouveau est ouvert une fois pour toutes par l’événement de la croix pour tous ceux qui s’attachent à la suite du Christ, dans sa vie et jusque dans sa mort. Si les évangiles synoptiques invitent à prendre sa croix à sa suite, les lettres pauliniennes explicitent la liberté du chrétien qui consent à être co-crucifié avec lui. En suivant ses traces, en se laissant conformer à la doctrine de sa vie et de sa mort, le chrétien vit autrement les souffrances, les humiliations, les échecs. Il reçoit la force de les porter, et de tenir ferme dans les épreuves. L’attachement au Christ crucifié le rend sensible et solidaire de tous les petits, de tous les crucifiés de notre histoire. Le chemin du Crucifié, qui devient son chemin, par la foi qu’il lui accorde, l’ouvre à une liberté sans égale, à une disponibilité, et, paradoxalement, le voit promit à la gloire.

            Le style de la vie chrétienne est ainsi modelé par l’attachement au Christ crucifié, dans ses manières d’être et d’agir, et dans les chemins parcourus ; mais aussi quant à l’intime de la relation au Christ, et à l’ouverture dans la relation aux autres. Le regard sur la croix, la contemplation du Christ en croix, dans les temps de la prière comme dans les choix qui orientent notre histoire, fortifient cette intimité qui a nom la foi et qui procure une joie profonde. L’annonce de l’Evangile n’est autre que l’annonce du mystère de la croix, comme nous le faisons en chaque Eucharistie, et suppose alors des techniques de communication dont la sagesse et l’efficacité sont sans commune mesure avec quelque forme de rhétorique du discours que ce soit. En s’appuyant sur la parole de la croix, l’évangélisation proposera avec courage un jugement critique sur les réalités de notre monde, discernant ce qui tient vraiment de ce qui est voué à disparaître. La vie chrétienne se caractérise discrètement par deux habitus qui pourraient sembler anodins. Les chrétiens ouvrent toujours leur prière par le signe de la croix, auquel est lié une confession trinitaire. Dans toutes les églises chrétiennes, le regard est dès l’entrée orienté vers la croix. Par ces choses fort simples, le mystère de la croix trouve sa place réelle et son juste poids dans nos vies.