1 Corinthiens 1,18 – 2,5

Le regard de l’Agneau

Père Amédée Brunot

Saints et saintes de l’Evangile, p. 81s

 

En ce printemps de l’an 28 qui devait renouveler la face de la terre et le cœur des hommes, André, avec son frère Simon et quelques compagnons des bords du lac, est descendu vers l’embouchure du Jourdain. Posté à l’entrée d’un gué, un prophète, vêtu de poils de chameau, annonce l’approche du Royaume de Dieu et convie les passants et les pèlerins à un baptême de pénitence.

Nos jeunes gens de Galilée se font ses disciples. Ils restent près de lui plusieurs jours : Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas, celui qui vient après moi. Qui est donc ce Quelqu’un si mystérieux ? Petit à petit, Jean-Baptiste précise : C’est celui qui baptise dans l’Esprit-Saint. Enfin, voici la suprême désignation qui va détacher ces jeunes disciples du Baptiseur et va les mettre définitivement à la suite de celui dont Jean n’a voulu être que le précurseur : Fixant son regard sur Jésus qui passait, Jean dit : Voici l’Agneau de Dieu, celui qui ôte le péché du monde. André était l’un des deux qui, à ce moment-là, se trouvaient auprès du Précurseur.

Pour André, c’est une trouée de lumière dans son âme si ouverte au messianisme de Jean-Baptiste. Avec sa famille et ses compagnons descendus avec lui au Jourdain, il appartenait à ce groupe qu’on appelait les pauvres de Dieu, pour qui le Messie serait davantage un agneau immolé qu’un lion dévorant, un réconciliateur avec Dieu qu’un exterminateur de nations païennes, un ami des humbles qu’un appui des puissants. Comme ces vrais pauvres de Dieu, André vivait dans la méditation et l’attente du mystérieux Serviteur de Dieu, dont Isaïe avait buriné un portrait si poignant. Pour lui, le Messie serait un habitué de la douleur, un innocent mis à mort pour les péchés de tous les autres, le dernier des hommes, le rebut de l’humanité que la souffrance et la mort mèneraient à être ce glorieux Fils de l’homme entrevu par Daniel à la droite de l’Ancien des jours.

Et voici que, d’un coup, ce paysage intérieur encore si obscur, André le voyait s’éclairer et prendre du relief. San doute, des  creux d’ombre resteront, qui ne se dissiperont que dans la grande et définitive lumière pascale, mais déjà, quel spectacle, quelle ivresse ! Cet homme, désigné par le doigt et ce grand bras amaigri de l’anachorète, était le Messie.