Luc 10, 38-42

« La meilleure part »

Père Jacques Audebert

Saint Benoît : par le Christ, aller au Christ, p. 109s

 

La relation de la sœur et du frère reste contenue dans une juste distance. En effet, elle ne vient le voir qu’une fois par an, et la rencontre se fait hors-clôture dans une dépendance du monastère. Le rôle principal est tenu par Scholastique : c’est elle qui vient voir son frère, tandis que lui doit descendre. Les deux mouvements expriment la volonté de se rencontrer, mais également l’impossibilité de le faire pleinement.

La conclusion de la rencontre de Scholastique et de Benoît sera la possibilité pour ce dernier de pouvoir rassembler, non plus une partie du tout seulement,mais le monde entier comme ramassé sous un seul rayon de soleil, amené à ses yeux. C’est le signe de la renaissance de l’âme de Benoît, qui sait d’ailleurs très bien qu’une part d’elle-même est déjà entrée au ciel, tandis que, dans le corps de Scholastique déjà inhumé, une part de l’existence de son frère est déjà retournée à la terre. Scholastique précède Benoît et le rend apte à accéder à la vie, au moment où elle retourne à sa cellule puis, trois jours après, s’envole vers sa cellule céleste. 

Scholastique, la sœur mystique, se révèle devant Benoît femme de Dieu. Ce n’est pas tant sa réalité historique, au sens biographique du terme qui intéresse en elle, mais plutôt son rôle symbolique dans le cheminement mystique de son frère. L’humble sœur devient celle qui ouvre complètement les yeux de son frère, elle est guide d’âmes en raison de sa double aptitude à enseigner à Benoît la voie royale des âmes sur terre, c’est-à-dire la charité, et à le précéder là où vivent les âmes, dans l’amour du ciel. Elle est donc aux côtés de Benoît comme témoin, signe et anticipation de sa maturité humaine et mystique. Benoît ouvre maintenant les yeux du cœur. Il avait déjà le don de lire les pensées, manifesté dans les miracles de prophétie. Désormais il voit les âmes dans la gloire et le dessein de Dieu, à partir du moment où il apercevra celle de sa sœur s’élever au ciel sous la forme d’une colombe, puis celle de l’évêque Germain portée au ciel par les anges dans une boule de feu.