Genèse 43, 1-34

Le Seigneur déjoue les pensées des sages

Saint Grégoire le Grand

Morales sur Job, Livre VI, chapitre 18, n° 28-32

 

Le Seigneur prend les sages au piège de leur astuce, nous dit le livre de Job. Dieu fait servir à l’exécution de ses desseins les actions mêmes par lesquelles les hommes prétendent s’y opposer. Prenons deux exemples, l’un dans l’Ancien Testament avec l’histoire de Joseph, l’autre dans le Nouveau avec le Christ, notre Rédempteur.

La famine ayant gagné toute la terre, Jacob envoya ses fils en Egypte pour se procurer des vivres. Sans le savoir, ils se trouvèrent en présence de Joseph, puisque c’était lui qui avait reçu la charge de distribuer le blé. Afin d’obtenir le froment qu’ils demandaient, ils se prosternèrent devant Joseph, face contre terre. Examinons le déroulement de cette histoire. Les frères de Joseph l’avaient vendu pour ne pas se prosterner devant lui, et les voilà qui se prosternent parce qu’ils l’avaient vendu. Ils avaient eu l’audace de vouloir changer le dessein de Dieu par leur astuce, et voilà que, par un juste jugement de Dieu, ce qu’ils avaient imaginé pour faire échouer ce dessein ne sert qu’à le faire triompher. Les voilà obligés d’exécuter les vouloirs de Dieu par cela même qu’ils avaient astucieusement inventé pour les modifier. Ainsi le plan de Dieu s’accomplit lorsqu’on  s’efforce de l’esquiver, ainsi la sagesse humaine est prise au piège lorsqu’elle tente de lui résister.

Examinons un autre retournement de situation qui se produisit lorsque les prêtres juifs voulurent empêcher le peuple d’aller à la suite de notre Rédempteur. Afin de briser dans son élan l’extraordinaire concours de peuple et de le détourner du Christ, ils décidèrent de mettre fin à sa puissance en le faisant mourir : Il vaut mieux qu’un seul homme meure, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. Mais la mort du Rédempteur a servi à unir et à édifier son corps, c’est-à-dire l’Eglise, au lieu de le séparer de lui. Ceux qui refusaient de croire à la résurrection du Seigneur crurent éteindre la foi, mais c’est par cette cruauté même qu’ils la firent croître. Ils pensaient en persécutant le Christ, puis les chrétiens, étouffer ses miracles ; ils n’ont fait, à leur insu, que les propager.

Oui, le Seigneur a bien pris les sages au piège de leur astuce, quand il a fait concourir les projets de la fureur cruelle des hommes à l’accomplissement du dessein de sa bonté.