Actes des Apôtres 20, 17-38

« Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir »

Dom Claude Jean- Nesmy 

Bible Chrétienne, III*, Commentaires, p. 139s 

 

Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Adage que l’on retrouve dans la sagesse grecque. Le Christ peut aussi bien l’avoir cité, ou inventé lui-même ; dans l’un et l’autre cas, les disciples l’auraient retenu et transmis oralement à Paul. Car il ne se trouve pas textuellement dans l’évangile, mais on n’en trouve si bien l’équivalent, que Paul pourrait s’y référer à juste titre, alors même qu’il emprunterait la maxime aux Grecs pour y condenser l’essentiel de l’enseignement du Christ. 

Car il faut prendre cette phrase en tout cas dans sa perspective évangélique, qui, d’une part, tend à durcir en opposition le couple donner-recevoir, en même temps que, d’autre part, elle donne à cette béatitude une valeur d’éternité. Quand il proclame certains hommes heureux, le vrai bonheur dont parle Jésus n’est pas celui de la conscience satisfaite d’elle-même, par opposition au faux bonheur que procurent les choses extérieures : c’est le bonheur que Dieu accordera aux élus à la fin des temps, par opposition au bonheur terrestre, caduc et passager. 

N’est-ce pas ce que dit l’auteur de la Didachè, texte de l’Antiquité chrétienne : Donne à tout homme qui t’implore et ne réclame pas. Car le Père veut qu’on fasse partager à tous ses propres dons. Heureux celui qui donne selon le commandement, car il est sans reproche. Malheur à celui qui prend ! Certes, s’il prend sous l’effet du besoin, il sera sans reproche ; mais s’il n’est pas dans le besoin, il rendra compte du motif et du but pour lesquels il a pris. 

Un autre auteur, vraisemblablement du milieu du premier siècle, un certain Hermas, va dans ce même sens : Fais le bien, et du labeur que Dieu t’accorde,donne à tous les indigents avec simplicité, sans t’inquiéter de savoir à qui tu donneras et à qui tu ne donneras pas : donne à tous, car Dieu veut qu’on fasse profiter tout le monde de ses propres largesses. Donner, en effet, c’est la vie de Dieu, le bonheur du ciel. 

Dieu se donne en partage, écrit Didyme l’Aveugle, et ne reçoit rien qui vienne d’ailleurs ; vous de même, pratiquez le partage, comme le recommande le bienheureux Paul aux chrétiens d’Ephèse convoqués à Millet. Ce n’est pas celui qui prend qui imite Dieu, car Dieu ne reçoit rien de personne, lui qui procure, au contraire, tous biens. Celui qui aime Dieu, c’est celui qui donne.