Jean 1, 45-51

Les premiers appels

François Mauriac

La vie de Jésus, p. 48s

 

Après quarante jours de jeûne et de contemplation, voici Jésus revenu au lieu de son baptême. Il savait par avance pour quelle rencontre : L’Agneau de Dieu, dit le précurseur en le voyant approcher. Deux de ses disciples étaient auprès de Jean ; ils regardèrent Jésus, ce regard suffit, ils le suivirent jusqu’au lieu où il demeurait : Rabbi, où demeures-tu ? Texte aussi émouvant qu’aucune parole directe du Christ. Le lieu où il habite ? Le désert peuplé de pierres que Satan l’incite à transformer en pains. Déjà le feu allumé se propage, saute d’arbre en arbre, d’âme en âme. 

Le lendemain, l’incendie s’étend, gagne Philippe, un homme de Bethsaïde, comme André et Pierre. La parole et le geste qui l’attachent au Christ nous demeurent inconnus. Mais la flamme saute de Philippe à Nathanaël. Ce nouvel arbre ne brûle pas tout de suite, parce que Nathanaël est versé dans l’Ecriture et proteste que rien ne peut sortir de bon de Nazareth. Son ami lui répond simplement : Viens et vois.

Suffisait-il à une âme prédestinée de voir Jésus pour qu’elle le connaisse ? Non, Jésus lui donnait un signe ; et celui qu’il donne à Nathanaël est le même qui convaincra bientôt la femme : D’où me connais-tu ?, avait demandé Nathanaël d’un ton de méfiance. Avant que Philippe t’appelât, lorsque tu étais sous le figuier, je t’ai vu. Nathanaël répond aussitôt : Tu es le Fils de Dieu.

Il importe peu que l’œuvre très secrète accomplie sous le figuier n’ait pas été révélée. Ce que Nathanaël découvre, c’est que le tréfonds de son être est livré à cet homme ; il se sent ouvert devant lui, tel que le dernier d’entre nous aujourd’hui encore, prosterné pour l’aveu de ses fautes ou la figure tendue vers le Seigneur. Ce signe qui précipite la face contre terre les êtres simples et sans artifice, à qui le Christ, durant sa vie nouvelle, ne l’a-t-il pas prodigué ? Car il répondra aux pensées les plus cachées des scribes et des pharisiens, mais eux, bien loin de se frapper la poitrine, n’y verront qu’une ruse de Béelzébuth. Plus que leur incrédulité, la foi de l’humble Nathanaël étonne le Christ dont nous imaginons le sourire, lorsqu’il dit : Parce que je t’ai dit que je t’ai vu sous le figuier, tu crois ! Tu verras de plus grandes choses.