Malachie 1,1-14 + 2,16-16

Position centrale du temple

Père Théophane Chary

Les prophètes et le culte à partir de l’exil, p. 163s

 

Dès la première lecture du livre de Malachie, on est frappé par le fait que presque toutes les considérations tournent autour du temple et touchent, par quelque côté, à la vie cultuelle. A peine une courte introduction destinée à mettre en relief l’ingratitude d’Israël, et nous voici en plein débat cultuel avec l’attaque vigoureuse menée contre la tiédeur du clergé. Sans transition, le prophète nous transporte au sanctuaire : c’est là que réside pour lui le nœud de tout le problème cultuel : manque de prospérité, découragement du peuple. C’est de là que doit partir l’effort nécessaire pour redresser la situation, permettant la venue de l’ère messianique.

Le temple est si parfaitement planté au milieu de la vie religieuse qu’il est directement affecté par l’infidélité. Il est profané par les fautes morales du peuple, quelles qu’elles soient. C’est là une idée reprise du prophète Ezéchiel, mais exprimée avec une vigueur nouvelle : Juda a profané le sanctuaire cher au Seigneur ; il a épousé la fille d’un dieu étranger. De tous temps, les mariages avec les étrangères ont été interdits à cause de la contamination religieuse qui en résultait. Mais l’idée d’une profanation rituelle du temple par suite de cette faute est assez nouvelle, et trahit l’évolution des mentalités dans la ligne amorcée par Ezéchiel. Plusieurs commentateurs éliminent cette idée si importante en traduisant par chose consacrée. Cette chose consacrée serait le peuple lui-même, aimé de Dieu. Cette traduction diminue de beaucoup l’originalité de Malachie en cette circonstance. Sans doute le mot utilisé signifie bien plus fréquemment chose sainte que sanctuaire ; mais, dans le cas présent, ce dernier sens est bien plus en harmonie avec le contexte et surtout avec la mentalité ritualiste qui existait au temps de Malachie, même si le prophète lui-même n’est pas un ritualiste fanatique. 

Par ailleurs, le refus d’admettre les femmes étrangères ne constitue pas, non plus, une contradiction : le Dieu d’Israël est si justement proclamé le père de tous. Cette paternité unique n’est pas à entendre au sens d’une égalité raciale généralisée. La paternité de Dieu est envisagée seulement par rapport à Israël : c’est Dieu, le seul Dieu, qui a créé son peuple. Le crime d’Israël consiste, précisément, en ce que, par le mariage mixte, il rejette cette unique parenté pour se lier à un peuple étranger. Une telle rupture de l’alliance constitue la profanation du sanctuaire où Dieu réside. On comprend dès lors que Dieu ne puisse pas accepter les offrandes et supplications d’un peuple souillé, sur un autel souillé. La contagion impure atteint tout le peuple et toute la vie liturgique, même s’il s’en trouve quelques uns dont la fidélité est complète.