Genèse 3, 9-20

Marie au regard de l’histoire

Père Charles Perrot
Marie de Nazareth au regard des chrétiens du premier siècle, p. 364s


Comme pour Jésus, une biographie de Marie s’avère impossible à écrire à moins de glisser dans le roman historique ou d’écrire une soi-disant histoire entre les lignes du texte biblique pour mieux en effacer les aspérités ou en grossir les traits. Des traces de sa présence n’en sont pas moins historiquement détectables. Mais jusqu’à quel point ? Certains, il est vrai, penseraient échapper à l’interrogation historique en déclarant d’emblée que le récit de l’enfance de Jésus, celui de Luc surtout, a pour source immédiate le témoignage de la mère de Jésus, ce que l’évangéliste en question ne dit pas, même s’il évoque le travail de mémoire opéré par Marie d’abord (Luc 2,19.51). Mais même ainsi, par delà les quarante ans environ qui séparent Luc de la mère de Jésus, le questionnement historique n’en demeurerait pas moins nécessaire, tant l’écriture ancienne de l’histoire, qu’elle soit de Luc ou de Thucydide, est différente des exigences historiques actuelles. Un travail d’histoire ne peut se fonder sur le témoignage éventuel, de bouche à oreille, passant de Marie à Luc, voire de Marie à Jacques de Jérusalem, ou de Marie à Jean l’Evangéliste. Car l’historien ne pourrait qu’inventer ces confidences, sans fondement réel, alors qu’il lui est possible de désigner les différents milieux chrétiens qui ont entretenu la mémoire de la mère de Jésus, et par là de jeter un regard sur celle qu’ils désignent. Mais faut-il le rappeler encore, les récits évangéliques, et les récits de l’enfance en particulier, ont été rédigés à la lumière de l’événement pascal, ce qui télescope d’une certaine manière la saisie des réalités dans leur déroulement chronologique premier. Donnons un exemple, celui d’un lecteur qui, croyant se situer au niveau de l’événement raconté dans le récit, s’interrogerait alors sur la réaction malvenue des parents de Jésus au Temple de Jérusalem. Puisque Marie connaissait déjà l’identité divine de Jésus par la bouche de l’ange, pourquoi s’est-elle étonnée de son comportement au Temple de Jérusalem, chez son Père (Luc 2,49-50) ? Car ils ne le comprirent pas, déclare Luc (2,50). Marie a mis du temps avant de comprendre. Elle a aussi vécu in fide, dans la foi. Et il fallait d’abord que la lumière pascale se retro-jette sur l’événement d’hier pour qu’en soit saisie la portée.