Matthieu 1, 1-16 + 18-23

La réputation de Marie gardée sans tache

Saint Bernard de Clairvaux
A la louange de la Vierge Marie, SC 390, Homélie II, 13, p. 157s

 

Dieu ne pouvait-il pas donner quelque signe manifeste d’où il ressortirait que la naissance de Jésus n’était pas infamante, ni sa Mère coupable ? Certes, il le pouvait. Mais il ne pouvait cacher aux démons ce que les hommes auraient su. Or, il fallait cacher pour un temps au Prince de ce monde le mystère du dessein de Dieu. Non pas que Dieu, s’il avait voulu faire son œuvre ouvertement eût craint que le démon puisse y mettre obstacle. Mais Dieu lui-même, qui a fait tout ce qu’il a voulu, non seulement avec puissance, mais aussi avec sagesse, a coutume de garder en toutes ses œuvres certaines convenances de temps et de faits, pour la beauté de l’ordre. De même ici, en son œuvre si merveilleuse, celle de notre restauration, il a tenu à ne pas montrer seulement sa puissance, mais aussi sa prudence. Il a préféré se réconcilier l’homme de la même manière et dans le même ordre qu’il savait l’homme tombé. Le diable a d’abord trompé la femme, puis a vaincu l’homme en se servant de la femme. De même aussi, le diable serait trompé par une femme vierge, puis vaincu à découvert par l’Homme Christ. De la sorte, la présence du Christ écraserait la force du mauvais, et Dieu apparaîtrait dans sa prudence et dans sa force plus grand que le diable. 

A quoi eut-il servi que le diable fût vaincu par Dieu, si nous étions restés orgueilleux ? Les fiançailles de Marie à Joseph furent nécessaires ; grâce à elles, la chose sainte fut cachée aux chiens, la virginité de Marie fut constatée par son fiancé, et la Vierge put jouir d’un respect égal à la réputation qui lui était conservée. Quoi de plus sage, quoi de plus digne de la part de la divine providence ? Par cet unique dessein, un témoin fut admis aux secrets du ciel, l’ennemi en fut exclu, et la réputation de la Vierge gardée sans tache. Comme Joseph, son époux, était un homme juste, il ne voulut pas la dénoncer et résolut de la renvoyer secrètement. Pas plus qu’il ne serait juste s’il l’avait condamnée, l’ayant reconnue innocente. Et comme il était juste, il ne voulut pas la dénoncer et résolut de la renvoyer secrètement.