Tite 1,7-11+2,7-8 ou Actes 20,17-36

Martin évêque : une élection mouvementée

Sulpice Sévère 

Vie de saint Martin, tome I, p. 271s

 

Martin était réclamé pour l’évêché de Tours. Mais comme il était difficile de le tirer de son monastère, un certain Rusticus, citoyen de Tours, feignit d’avoir sa femme malade, et, se jetant à ses genoux, parvint à le faire sortir. C’est ainsi que, des foules de Tourangeaux se trouvant déjà postées sur le parcours, on l’escorte sous bonne garde jusqu’à la cité, comme un prisonnier. Chose extraordinaire, une multitude incroyable de gens, venus non seulement de cette ville, mais aussi des cités voisines, s’étaient assemblés pour lui apporter leurs suffrages. Ils n’ont tous qu’une volonté, un même désir, un même sentiment : Martin est le plus digne de l’épiscopat, heureuse sera l’Eglise qui aura un tel évêque !

Un petit nombre pourtant, et quelques uns des évêques que l’on avait fait venir pour installer le prélat, y faisaient une opposition impie. Ils disaient que c’était un personnage méprisable, et qu’un homme à la mine pitoyable, aux vêtements sales, aux cheveux en désordre, était indigne de l’épiscopat. Cela étant, le peuple, qui en jugeait plus sainement, tourna en ridicule la folie de ceux qui, cherchant à blâmer cet homme remarquable, publiaient ses mérites éclatants. Et en vérité, ils ne purent que s’incliner devant les intentions du peuple, inspiré par la volonté du Seigneur. Or, parmi les évêques qui étaient là, le principal opposant fut, dit-on, un certain Défenseur, tel était son nom ! Aussi remarqua-t-on qu’il reçut alors un blâme sévère par la lecture d’un verset d’un verset prophétique.

Car le hasard voulut que le lecteur à qui revenait en ce jour la charge de lire les textes, se trouvât par le peuple empêché de passer. Aussi, dans l’émoi des officiants, tandis que l’on attendait l’absent, l’un des assistants saisit le psautier et attrapa le premier verset venu. Or, ce psaume était : Par la bouche des enfants et des nourrissons, tu t’es rendu gloire à cause de tes ennemis, pour détruire l’ennemi et le défenseur. A cette lecture, les clameurs du peuple s’élevèrent, le parti adverse est confondu, et l’ont tint pour assuré que ce psaume avait été lu par la volonté de Dieu, afin que Défenseur entendit porter témoignage sur ses œuvres, car le Seigneur, en se rendant gloire en la personne de Martin, par la bouche des enfants et des nourrissons, avait du même coup désigné et détruit en Défenseur son ennemi.