Daniel 9, 1-4 + 18-27

Les Martyrs couronnés par la mort

Saint Jean Chrysostome

Homélie sur les Saints Martyrs, OC IV, p. 476s

 

          Voilà que le peuple des martyrs nous environne à nouveau en ce jour, je devrais dire le camp des martyrs, camp qui ne le cède en rien au camp des anges que vit le patriarche Jacob en route vers son pays après avoir quitté son beau-père Laban.

          Les martyrs et les anges n’ont de différence que celle des noms. Leur condition est la même : les anges habitent le ciel, les martyrs aussi ; les anges sont incorruptibles et immortels, il en est de même des martyrs.

          Mais les anges sont incorporels de leur nature. Qu’est-ce que cela ? Si les martyrs sont entourés d’un corps, ce corps est immortel ; ou plutôt, même avant l’immortalité, la mort du Christ pare le corps d’une beauté supérieure à l’immortalité. Le ciel, avec le chœur des astres pour parure, est moins resplendissant que le corps des martyrs parés du chœur brillant de leurs blessures. Si, conséquemment, ils sont morts, ils n’en sont pour cela que plus glorieux, ayant reçu même avant l’immortalité leur récompense, et ayant été couronnés par la mort : Vous l’avez abaissé un peu au-dessous des anges ; vous l’avez couronné de gloire et d’honneur, disait David de la nature humaine.

          Mais, par son événement, le Christ a supprimé cette courte distance, ayant exterminé la mort par la mort. Pour moi, je ne m’appuierai pas sur cela, mais sur ce que la mort, qui faisait notre infériorité, est devenue pour nous un avantage. Si nous n’eussions pas été mortels, il n’y aurait pas eu de martyrs ; en sorte que si la mort n’avait pas existé, il n’y aurait pas eu de couronne ; si le trépas n’eût pas existé, Paul n’aurait pas pu dire : Tous les jours je meurs par la gloire que je reçois de Jésus-Christ. S’il n’y avait pas eu de mort, ni de corruption, le même apôtre n’aurait pas pu dire : Je me réjouis dans les maux que je souffre pour vous, et j’accomplis dans ma chair ce qui manque aux souffrances du Christ.

          Le démon a introduit la mort pour nous perdre, et l’a amenée sur la terre pour nous enlever toute espérance de salut ; mais le Christ, en se soumettant à la mort, l’a transformée, et il s’est servi d’elle pour nous introduire dans le Ciel.