Daniel 10,1 – 11,1

« Voici : un homme vêtu de lin »

Père Matthias Delcor

Le livre de Daniel, p. 207s

 

          Je levai les yeux et je regardai. Le récit de cette vision s’inspire manifestement des chapitres 1 et 9 du prophète Ezéchiel. L’homme qui apparaît est vêtu de lin et ses reins portent une ceinture d’or pur. Un homme vêtu de lin : l’expression a été suggérée par Ezéchiel : le vêtement de lin est à la fois celui des prêtres lors de leurs fonctions sacrées, et celui des êtres célestes. C’est bien le cas dans les passages d’Ezéchiel et dans notre texte.

          Son corps était comme de la chrysolithe. Le mot corps se rencontre lui aussi dans la vision d’Ezéchiel. Dans le même chapitre d’Ezéchiel, les roues du charriot contemplé en vision sont comme de la chrysolithe, ou pierre de Tarsis ; la chrysolithe, qu’on identifie avec la topaze, tire son nom de Tartessos en Espagne, selon la localisation la plus probable de Tarsis. Ses yeux sont comme des torches de feu, cette expression rappelle un détail de la vision des êtres vivants dans Ezéchiel. Ses pieds avaient l’aspect de l’airain poli, voilà encore une réminiscence d’Ezéchiel ! Finalement, la voix était comme la voix d’une multitude reproduit ici encore Ezéchiel. Dans cette description de l’apparition angélique, l’auteur procède par touches successives et approximatives. En effet, les réalités célestes ou divines ne peuvent se décrire aisément, aussi l’écrivain sacré se sert-il de comparaisons, d’où l’emploi de la conjonction comme que l’on trouve à plusieurs reprises.

          La vision de cet homme, appelons-le l’ange, fait sur Daniel une forte impression ; les effets de cette frayeur sacrée sont bien décrits : décomposition du visage, perte de conscience, chute à terre,… A trois reprises, l’ange relève Daniel resté sans parole, prostré à terre. L’ange le guérit en touchant ses lèvres ; c’est alors que cet ange, nous dit le texte, ressemblait à un fils d’homme. Ce terme ressemblance revient constamment dans les visions d’Ezéchiel où il souligne la difficulté qu’éprouve le voyant à décrire les phénomènes surnaturels. Daniel peut alors expliquer d’une manière embarrassée à l’ange qu’il appelle mon Seigneur, que la vision a provoqué chez lui l’angoisse, mot qui sert habituellement à décrire les douleurs de l’enfantement. L’ange en vient à fortifier Daniel en le touchant une nouvelle fois et lui redonne force : Ne crains point, homme choyé de Dieu, la paix soit avec toi : prends force et courage.