Daniel 6, 5-28

Trois notes seulement !

Paul Claudel

Feuilles de Saints, p. 29s

 

          La fête de sainte Cécile se célèbre au mois de novembre.

          Et comme ces fruits de l’automne finissent par mûrir, que l’on met en chambre, c’est le temps qu’à pleines charrettes nous voyons décharger, à la porte de nos basiliques, timbales, trombones, contrebasses, les pupitres et tous ces vases de musique, pour soutenir la voix de quatre cents choristes vigoureux.

          C’est le son de la terre et de l’homme ensemble, savant et mûr, en ce jour que nous consacrons à Dieu.

 

          Mais, dans le printemps des persécutions, parmi les branches ruisselantes, Cécile, avant toutes les fleurs, fut le premier oiseau qui chante. Trois notes, seulement, ce qu’il sait !

          Ecoute l’hiver est fini, l’affreux hiver païen, la tristesse de ce qui est mort et pourri.

          La vierge qui n’a point fait le mal, l’enfant qui dit, plein d’allégresse, ce qu’il sait.

          Bourreau ! C’est en vain que tu t’y prends à trois fois pour l’exterminer ! Fi ! Ennemi de la joie ! Tu ne peux, avec ta grande arme de fer, dans cette gorge modulante, interrompre la gamme involontaire. Chaque fois que, de tout ton poids, tu tapes pour la terrasser, la mélodie toute puissante redresse la tête cassée.

          Ainsi, quand c’est fini du docteur qui riposte et qui argumente, quand elle ne peut plus parler, écoute l’Eglise qui chante !

          La robe de Cécile est rouge, et le sang vient à chaque coup plus fort !

          Entends, plus haute à chaque coup, cette voix victorieuse de la mort !