Michée 4, 1-7

« Notre sang est une semence de Chrétiens »

Tertullien

Apologétique ou Défense des chrétiens contre les Gentils, OC, p. 634s

 

                Voilà une gloire légitime, parce que c’est une gloire humaine ! Il n’y a là ni préjugé, ni fanatisme, ni désespoir dans le mépris de la vie et des supplices. Eh quoi ! Il est permis d’endurer pour la patrie, pour l’empire, pour l’amitié, ce qu’il est défendu d’endurer pour Dieu ! Vous érigez des statues à ces héros profanes, vous gravez des éloges sur le marbre, vous éternisez leur nom sur l’airain ; vous leur créez après leur mort une existence indestructible ! Et le héros chrétien qui attend de Dieu la résurrection véritable, qui soufre dans cette espérance, n’est à vos yeux qu’un homme saisi de démence !

               Courage dignes magistrats ! Assurés que vous êtes des applaudissements populaires tant que vous immolerez des Chrétiens à la multitude, condamnez-nous déchirez nos corps, appliquez-les à la torture, broyez-les sous vos pieds ! Vos barbaries prouvent notre innocence : c’est pourquoi Dieu nous envoie la tribulation. Dernièrement, en condamnant une Chrétienne à être exposée dans un lieu infâme plutôt qu’au lion de l’amphithéâtre, vous avez reconnu que la perte de la chasteté est pour nous le plus grand des supplices, et plus terrible que la mort elle-même.

               Mais où aboutissent les raffinements de vos cruautés ? Ils sont l’amorce du Christianisme. Plus vous nous moissonnez, plus notre nombre grandit : notre sans est une semence de Chrétiens. La plupart de vos sages ont recommandé le courage dans la douleur et la confiance dans la mort. Cicéron l’a fait dans ses Tusculanes ; Sénèque, Pyrrhon, Diogène, Callinicus l’ont fait dans divers traités. Mais l’exemple des Chrétiens est mille fois plus éloquent que les prédications de vos philosophes. Cette invincible fermeté elle-même que vous nous reprochez, qu’est-elle autre chose que la leçon la plus puissante ? Qui peut assister à ce spectacle sans éprouver le désir de scruter le mystère qu’il renferme ? Le mystère une fois pénétré, ne vient-on pas se joindre à nous ? Une fois dans nos rangs, n’aspire-t-on pas à souffrir pour obtenir, en échange, la plénitude des grâces divines, pour acheter au prix de son sang le pardon de ses iniquités ? Car il n’en est point que le martyr n’efface. Aussi, grâces vous son rendues pour vos sentences de mort ! Mais que les jugements de Dieu sont bien loin des jugements des hommes ! Tandis que la terre nous condamne, le ciel nous absout.