1 Chroniques 17, 1-15

La prophétie de Nathan

Frank Michaeli

Les livres des Chroniques, d’Esdras er de Néhémie, p. 100s

 

               Le projet de David fut de construire une maison de Dieu, un sanctuaire à Jérusalem. Mais Dieu lui fit savoir, par la bouche du prophète Nathan, que ce projet ne devrait être réalisé que plus tard par son fils Salomon. Toutefois, David recevait en même temps la promesse d’avoir une descendance et une dynastie éternelle sur le trône qu’il occupait dans la capitale d’Israël. Jouant sur le mot maison, le récit de cette prophétie de Nathan se ramène à ceci : ce n’est pas toi, David, qui construiras une maison de Dieu, c’est Dieu qui te construira une maison. La phrase centrale du verset 13 est à souligner : Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils.

                  C’est en effet un passage qui éclaire l’origine du messianisme en Israël et son rapport avec la royauté davidique. La notion de filiation divine du roi, par nature ou par adoption, se rencontre habituellement dans les mythes religieux et dans les rites cultuels de la plupart de ces peuples, et dans quelques textes de l’Ancien Testament, dont celui de la prophétie de Nathan dans le second livre de Samuel et dans le psaume 2 sont les plus connus. Mais quelle est la portée exacte et quelle fut la forme littéraire originale de cette prophétie de Nathan ? Son étude concerne le commentaire du deuxième livre de Samuel, alors que l’analyse du texte parallèle dans le premier livre des Chroniques, que nous venons d’entendre, donne plutôt lieu à l’examen des différences et de la perspective générale du récit dans la manière du Chroniqueur.

                  Alors que 2 Samuel 7,5 emploie l’interrogatif : Est-ce toi qui me bâtirais une maison ?, 1 Chroniques 17,4 en fait une défense relative à un projet déjà connu : Ce n’est pas toi qui me bâtiras la maison. De cette manière, le projet est moins celui de David que celui de Dieu lui-même. Dieu aura sa maison à Jérusalem, mais ce ne sera pas David le réalisateur de ce projet. Cette modification a-t-elle une importance plus grande qu’on ne pense ? Veut-elle atténuer le texte de 2 Samuel qui serait hostile au Temple, par réaction d’un idéal prophétique fidèle au désert et incarné en Nathan ; signifie-t-elle que, pour le Chroniqueur, il n’y avait plus d’hostilité contre la construction du temple, mais seulement une explication du fait que David n’en avait pas été le constructeur ?

                  Si le récit de la prophétie de Nathan chez le Chroniqueur est nettement orienté vers la figure de Salomon, cette figure est surtout envisagée comme celle du roi qui règnera pour toujours sur le trône de David, lui qui représentera la royauté de Dieu sur la terre dans la ville de David et qui bénéficiera de la promesse faite à David. C’est plutôt la figure de David projetée dans l’avenir comme le roi éternel, au travers de sa descendance, qui est l’objet de la promesse de Dieu.