Matthieu 11, 2-11

Jean et Jésus

Saint Grégoire le Grand

Homélie 6, 1 sur l’Evangile, SC 485, p. 181

 

               Frères, Jean, un prophète et plus qu’un prophète, a montré le Seigneur se faisant baptiser, en disant : Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève le péché du monde. Considérant sa propre bassesse et la puissance divine du Seigneur, il dit : Celui qui est de la terre est terrestre et a un langage terrestre, celui qui vient du ciel est au-dessus de tous. Alors, comment se fait-il que, mis en prison, il envoie ses disciples demander : Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? On dirait qu’il ne connaît pas celui qu’il avait montré, qu’il ne sait pas s’il est bien celui qu’il avait proclamé en l’annonçant, en le baptisant, et le montrant. Mais la difficulté est vite résolue si l’on tient compte des moments et du déroulement des faits. Près des eaux du Jourdain, Jean affirma que cet homme était le Rédempteur du monde ; mis en prison, il demande s’il est celui qui viendra. Assurément, il ne doute pas qu’il soit le Rédempteur du monde, mais il cherche à savoir si celui qui est venu en personne dans le monde va aussi descendre en personne dans la prison des enfers. Il avait été son précurseur pour l’annoncer au monde ; par sa mort il devenait aussi son précurseur aux enfers. Il dit donc : Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? C’est dire en clair : Tu as daigné naître pour les hommes, fais-nous voir si tu daignerais de même mourir pour les hommes. Je fus le précurseur de ta naissance, je deviendrai le précurseur de ta mort. ; j’annoncerai aux enfers que tu dois venir, comme j’ai déjà annoncer au monde que tu étais venu.

               A cette question, le Seigneur, après avoir énuméré les miracles de sa puissance, répond tout de suite sur l’humiliation de sa mort : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés. Et bienheureux celui pour qui je n’aurai pas été objet de scandale. A la vue de tant de signes et de si grands prodiges, personne n’avait pu être scandalisé lorsqu’après tant de miracles ils le virent mourir. Pourquoi dit-il donc : Bienheureux celui pour qui je n’aurai pas été objet de scandale, sinon pour signifier clairement l’abjection et la bassesse de sa mort ? Cela revient à dire ouvertement : je fais, il est vrai, des choses admirables, mais je ne répugne pas à en endurer d’abjectes. Puisque je vais te suivre dans la mort, que les hommes prennent bien garde d ne pas mépriser en moi la mort, eux qui révèrent mes miracles.