Romains 5, 1-11

Actualité de l’Evangile de Paul ?

Dom Ghislain Lafont

La fierté des sauvés, AS 42, p. 17s

 

Quand on relit la lettre aux Romains, par exemple le passage que nous venons d’entendre (Romains 5-11), on est à la fois pris par la puissance de la construction, la vérité de la doctrine, l’enthousiasme des convictions, mais gêné par le cadre du développement si marqué par la dialectique juif-païen apparemment si peu actuelle et applicable ! Cependant, s’il n’est pas possible de détailler à une assemblée chrétienne le sens du cadre Juif-Grec, rien n’empêche de partir du thème de la fausse assurance, de la vaine gloire, de l’apparente observance, car c’est là ce qui unit le juif et le grec, et nous caractérise nous aussi chrétiens, quand nous ne vivons pas directement du Mystère pascal.

C’est sûrement un aspect de la tâche prophétique du pasteur d’appeler le peuple à faire tomber, personnellement et collectivement, les façades de la bonne observance, afin de percevoir la distance entre l’idéal de la Loi évangélique et la figure réelle de la communauté et de chacun de ses membres. Pas plus que la loi de la conscience ou de la Loi mosaïque, la Loi évangélique ne peut sauver l’homme, si on ne la considère que comme un code d’existence ; elle le condamne même plus que les autres lois, car elle demande plus, surtout au point de vue qualitatif, et que, laissé à lui-même, l’homme ne peut répondre. Aussi bien avons-nous continuellement besoin de nous soumettre à la démarche essentielle du christianisme : la foi en Dieu qui nous sauve par amour gratuit, moyennant le sang de Jésus-Christ, et qui infuse en nos cœurs l’Esprit, par lequel seul nous pouvons aborder les bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions (Ephésiens 2,10). La seule observance chrétienne qui vaille jaillit de la participation au Mystère pascal qui nous introduit dans le Mystère trinitaire ; elle est alors culte spirituel, agréable à Dieu parce que déjà divinisé. Et c’est précisément le sens de nos eucharisties : à nouveau elles présentent à nos yeux le Christ crucifié qui nous purifie, et elles sont pour nous sources jaillissantes de l’Esprit ; réciproquement, elles mettent à notre disposition l’obéissance du Christ afin que, par l’Esprit, nous puissions y joindre notre foi et l’oblation sainte de nos existences mystérieusement transfigurées.

L’Evangile de Paul nous oblige à prendre la dimension vraie de notre religion ; seul, il peut nous arracher à une observance factice et à la vanité. Il provoque alors cette merveille qu’est l’entrée du pécheur dans l’intimité de la Trinité et engendre la fierté chez ceux qui sont justifiés et sauvés par Jésus-Christ.