1 Corinthiens 15, 20-34

Spiritualité de sainte Jeanne d’Arc

Colette Beaune

Histoire des saints et de la sainteté chrétienne, tome VII, p. 176s

 

          Jeanne a reçu, comme il est normal, à l’époque, dans le milieu paysan, toute son éducation religieuse dans le cadre de sa famille et de sa paroisse. Elle a appris ses prières, écouté les sermons ; sa dévotion au Christ-Roi vient du prêche du premier dimanche de l’Avent. Elle prie chaque jour lors de l’Angélus, va chaque dimanche à la messe, jeûne en Carême, se confesse et communie à Pâques. Elle ignore à peu près tout de l’Ancien Testament et des distinctions théologiques savantes. Elle est docile à l’Eglise, ne rejette pas les manifestations populaires de la religiosité quotidienne. A la différence de nombreux saints contemporains, elle n’est pas tourmentée par l’angoisse eschatologique, ni par la recherche du plus parfait ou par la vertu de la souffrance. Sa foi est totale et sereine.

            Bien qu’il ne faille pas voir dans Jeanne une tertiaire, il est certain que les prédicateurs franciscains ont eu sur elle une profonde influence. Il y avait un couvent franciscain à Neufchâteau ; Jeanne reconnaît s’être plusieurs fois confessée à des Franciscains. Sa dévotion au nom de Jésus, une pratique développée par Bernardin de Sienne, est incontestable. Le Nom figure dans l’entête de ses lettres, sur son étendard,  sur son anneau, et elle meurt en le prononçant. Elle a souci d’imiter le Christ par son humilité, sa pureté, son oubli de soi, l’acceptation de la souffrance et de la mort. A Jésus, elle associe Marie. Dès sa jeunesse, elle monte tous les samedis à l’ermitage de Notre-Dame de Bermont et offre en mai des chapeaux de fleurs à la Vierge, comme les jeunes filles pieuses de son temps. Comme pour sainte Colette, qu’elle rencontra peut-être à Moulins en 1430, la Vierge et son Fils sont inséparables.

            Pourtant, les influences ne rendent pas compte de tout. Vers sa treizième année, elle se sentit élue par Dieu pour une mission d’abord imprécise. Elle abandonna les jeux pour la prière, se mit à aller à la messe pratiquement tous les jours, se confessa et communia de plus en plus fréquemment. Elle allait rencontrer Dieu directement, comme beaucoup d’autres femmes de sa génération. Entre 1350 et 1450, en effet, le prophétisme féminin, stimulé par la guerre et par le schisme, connut une extraordinaire expansion. Outre Brigitte de Suède et Catherine de Sienne, la France avait donné naissance à Constance de Rabastens, Jeanne-Marie de Maillé ou Marie Robine qui aurait annoncé la mission de Jeanne. Des prophéties nombreuses disaient que le royaume perdu par une femme, Isabeau de Bavière, serait sauvé par une vierge, ce que Jeanne connaissait.