Ephésiens 4, 1-16

L’échec apparent de Jésus annoncé dans les Ecritures

Père Pierre Benoît

Bible Jérusalem, Fascicule : L’Evangile selon saint Matthieu, p. 33s

 

              L’harmonieux plan divin, dont le dernier acte de salut couronne de longues préparations, est devenu un drame, on pourrait même dire une tragédie : le peuple choisi de longue date s’est refusé au dernier moment, le roi venu pour prendre un trône a été hissé sur une croix, le triomphe escompté de Dieu sur ses ennemis s’est mué en un règne spirituel que combattent encore les puissances du mal. C’est là le scandale qui a fait chanceler un instant la foi des disciples les plus courageux. Et c’est le grand mystère que tous les premiers écrits chrétiens s’efforcent d’expliquer. Matthieu le fait comme les autres, mais en fonction de sa propre thèse : plus qu’aucun autre, il s’applique à montrer dans cet échec apparent une péripétie également prédite par l’ancienne économie, qui n’a nullement détruit l’harmonie du plan divin, mais l’a consommée au contraire par un triomphe aussi éclatant qu’inattendu de la Sagesse de Dieu sur la malice des hommes (11,19).

              Si les Ecritures ont annoncé la venue du Roi Messie, elles ont aussi décrit cet Envoyé de Dieu en termes humbles et douloureux, que les Juifs n’ont pas pu comprendre, mais qui s’appliquent admirablement à la personne de Jésus-Christ. Ce terme accomplissement des anciens oracles, Matthieu ne manque aucune occasion de l’inculquer : il montre en Jésus ce Serviteur choisi par Dieu et annoncé par Isaïe, qui ne veut conquérir les hommes qu’à force de douleur et de bonté, et qui se charge de leurs infirmités (8,17). Son enfance à Nazareth lui paraît justifier l’humble titre de Nazaréen qu’il croit trouver dans les prophètes (2,23) ; le douloureux massacre que sa naissance provoque à Bethléem et le refuge qu’il doit aller chercher en Egypte, hors de la terre d’Israël, plus tard la fuite honteuse de ses disciples, son arrestation même, et jusqu’au prix dérisoire auquel il est vendu, tous ces scandales n’étaient-ils pas déjà annoncés par les Ecritures ?