1 Thessaloniciens 1,1 – 2,12

L’apôtre Paul en présence de Dieu

Père Lucien Cerfaux

Recueil Lucien Cerfaux, Tome II, p. 475s

 

          Paul est un homme de prière. Selon les mœurs juives du temps, il ajoutait aux prières liturgiques des prières libres, surérogatoires, aussi longues que possible. Si l’on admet l’hypothèse d’une mystique apostolique, établissant l’âme de Paul dans un contact profond avec Dieu, sa vie de prière lui correspondra et révèlera la même relation avec Dieu le Père. Et c’est bien là, il me semble, le langage des textes.

            Toutes les formules de prière, chez Paul, s’adressent à Dieu, jamais au Christ. Soit qu’il parle en général de prière, soit qu’il rende grâces, ou qu’il fasse la prière de demande, c’est toujours Dieu qui est en cause. Il n’est que de parcourir ses lettres, tel le début de la première aux Thessaloniciens : Nous rendons grâces à Dieu en tout temps au sujet de vous tous, faisant mémoire dans nos prières, nous souvenant sans cesse de vos œuvres de foi en face de Dieu qui est notre Père. Quand Paul, dans ses lettres, récite une prière tout haut, c’est à Dieu qu’il s’adresse.

            L’objet ordinaire de la prière de saint Paul sera sa tâche apostolique, la persévérance de ses chrétiens, leur foi, leur espérance, leur charité, leur patience dans les persécutions, leur connaissance du mystère du Christ, et par là même le succès de sa propre vie apostolique, mission reçue de Dieu.

            L’aspect d’expérimentation est très sensible dans la prière paulinienne, celle que l’apôtre décrit dans la lettre aux Romains, comme dans celle adressée aux Galates : l’Esprit Saint suggère comment prier Dieu, il nous fait crier Abba Père ; il nous fait demander les biens eschatologiques.

            Nous rencontrons à propos de la prière ces formules en face de, devant Dieu ; ces formules, nous les retrouvons tout au long de la vie apostolique de Paul. Ce phénomène n’est pas fortuit. Le judaïsme portait un grand intérêt à l’usage de ces prépositions, spécialement quand elle s’appliquait à Dieu, intérêt qui se retrouve chez saint Paul. Cet emploi exclusif, signalé en relation avec la présence de Dieu dans la vie apostolique de Paul, dans sa vie de prière est vraisemblablement intentionnel. Ces prépositions s’enracinent dans l’hébreu et essaient de traduire l’impression religieuse qui tourne autour du thème en face de Dieu ; c’est d’abord l’expérience de la visite au Temple : pour toute prière, le fidèle se transporte au Temple, au moins en imagination, et se trouve ainsi en face de Dieu.

            On peut accorder à Paul le préjugé favorable d’une mystique de présence, tant dans sa vie de prière que dans sa vie apostolique ; toute sa vie de prière qui orchestre sa vie apostolique se passe en présence de Dieu, de Dieu le Père, là est le centre le plus important de sa vie religieuse.