Isaïe 58, 1-14

Le jeûne, printemps spirituel

Saint Jean Chrysostome

Sermons sur la Genèse, SC 433, p. 139s

 

          Agréable est aux marins le printemps, agréable aussi aux cultivateurs ; mais ni aux marins, ni aux cultivateurs le printemps n’est aussi agréable qu’à ceux qui veulent philosopher n’est agréable le temps favorable du jeûne, printemps spirituel des âmes, vraies eaux sereines des pensées.

          En effet, aux cultivateurs le printemps est agréable parce qu’ils voient alors la terre couronnée de fleurs, et, tel un manteau bigarré, la végétation bourgeonnante étendue sur elle de toutes parts ; aux marins aussi le printemps est agréable, parce qu’ils peuvent naviguer en sécurité sur le dos de la mer : les vagues sont apaisées, les dauphins jouent sur ces eaux totalement sereines et font souvent la culbute contre les parois mêmes du navire.

          Quant à nous, le printemps du jeûne est agréable parce qu’il a coutume de calmer nos vagues qui sont faites, non point d’eaux, mais de désirs dépourvus de raison, et de nous ceindre d’une couronne tressée, non de fleurs, mais de grâces spirituelles. En effet, le livre des Proverbes (1,9) nous dit : Tu recevras sur ta tête une couronne de grâces.

          L’apparition de l’hirondelle n’a pas autant coutume de chasser l’hiver que l’apparition du jeûne ne bannit de notre pensée l’hiver des passions. L’âme ne livre plus de combat contre la chair, l’esclave ne se soulève plus contre la maîtresse : toute guerre que nous mène le corps a pris fin.

          Puisque, donc, chez vous la paix est totale, les eaux totalement sereines, eh bien, tirons nous aussi la barque de l’enseignement, l’acheminant depuis le port jusqu’au port qu’offre la bienveillance de nos oreilles. Eh bien, affrontons hardiment les pensées les plus subtiles : philosophons sur le ciel, la terre, la mer, et le reste de l’ensemble de la création : contemplons l’auteur de cette création, plus nous nous attacherons à la beauté et à la grandeur des créatures, plus nous serons amenés vers l’auteur de l’existence.