Genèse 45,1-5+21-28 + 46,1-7

La magnanimité de Joseph

Saint Jean Chrysostome

Homélie 64, 6-7 sur la genèse, OC VIII, p. 265s

 

          Les frères de Joseph furent profondément troublés devant sa profonde bienveillance pour eux ! Ils songeaient à la manière dont ils l’avaient traité, à ce qu’il avait été pour eux ; ils songeaient à l’éclat dont il était présentement environné tout en étant dans l’angoisse au sujet de leur propre salut. Aussi, pour dissiper leurs inquiétudes, Joseph leur dit : Approchez-vous de moi. Ne pensez pas avoir suivi vos propres sentiments en agissant à mon égard comme vous l’avez fait. Tout ce qui est arrivé, il faut l’attribuer, moins à votre méchanceté pour moi, qu’à la sagesse de Dieu et à son ineffable miséricorde. Il m’a conduit ici pour pouvoir, en ce temps opportun, vous procurer de la nourriture, à vous et au pays entier. C’est la Providence qui a tout conduit ; ainsi ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, c’est Dieu.

          Après cela, Joseph donna congé à ses frères. Tandis qu’ils partaient, il leur dit : Ne vous querellez pas en chemin ! Quelle sage recommandation ! Non seulement il répudie toute colère personnelle à leur égard et réprime tout reproche, mais il va jusqu’à les exhorter à ne pas se disputer entre eux, en s’accusant mutuellement. Naguère, après avoir comparu devant Joseph, ils se disaient l’un à l’autre : Ce qui nous arrive est juste. Nous étions coupables au sujet de Joseph, notre frère, car nous sommes restés insensibles à son angoisse. Et Ruben s’était dressé pour dire : Je vous avais bien dit de ne pas faire de mal à l’enfant, mais vous ne m’avez pas écouté ! Il était à prévoir qu’il les accuserait de nouveau. C’est pourquoi, en vue de prévenir toutes disputes, Joseph  leur dit : Ne vous querellez pas en chemin !

          Qui peut admirer le mérite, la vertu de ce juste ? Il accomplit déjà magnifiquement la sainteté de la Loi nouvelle ! Le commandement donné par le Christ à ses disciples : Aimez-vous les uns les autres, priez pour ceux qui vous persécutent, Joseph le pratique déjà et le dépasse ! Il manifeste un amour extrême à ceux qui, autant qu’il dépendait d’eux, l’avaient supprimé ; bien mieux, il fait tout pour leur démontrer qu’ils n’étaient pas coupables envers lui. Quelle sainteté éminente ! Quelle sublime magnanimité ! Quel immense amour de ses frères et de Dieu !