Matthieu 26, 14-25

Trente pièces d’argent

Père Renaud Silly

Dictionnaire Jésus, p. 1167s

 

          Jésus fut livré par Judas en échange de trente pièces d’argent. Ces pièces initialement convoitées, Judas les rejette et profane le sanctuaire en les jetant à l’intérieur. Par ce geste, Judas explicite-t-il la profanation de l’Alliance de Moïse dont les grands prêtres se rendent coupables par ce crime ? Devant le refus de discuter des grands prêtres, Judas dénonce unilatéralement le contrat passé avec eux et s’adresse à Dieu en enjambant la médiation sacerdotale, comme pour faire alliance avec Lui en dehors des règles de culte légal. A-t-il essayé de défaire le mal commis ? L’ambiguïté demeure car les prêtres portent la culpabilité et l’argent mérite d’être consacré puisqu’il est le prix de la rédemption. Prix du sang, cet argent ne peut revenir au trésor du temple. Ces trente pièces servent donc à acheter le champ du potier.

          Une analogie avec la geste de Joseph et de ses frères apparaît. En Genèse (37,28), Juda et ses frères décident de vendre Joseph à des marchands pour vingt pièces. Une version présente à ce propos une correction, probablement chrétienne, qui chiffre le prix de la vente de Joseph, par Juda et Gad, à trente pièces. Moïse fixe le prix de l’esclave à trente sicles d’argent.

          D’autre part, le rejet du salaire par Judas fait écho au prophète Zacharie qui, après avoir rapporté son expérience décevante de berger, irrité par les autres pâtres et même par les brebis, quitte son emploi et se présente aux marchands qui l’ont embauché : Je leur dis alors : Si cela vous semble bon, donnez-moi mon salaire, sinon n’en faites rien. Ils pesèrent mon salaire : un trentain de sicles d’argent. Le Seigneur me dit : Jette-le au fondeur, ce prix splendide auquel ils m’ont apprécié ! Je pris donc le trentain de sicles d’argent et le jetai à la Maison du Seigneur pour le fondeur (Zacharie 11,12-13).

          Cet ancien oracle de Zacharie, apparaissant en surimpression sur la scène de la trahison de Judas, suggère qu’au-delà de l’apparent triomphe du mal, un dessein de Dieu se réalise.