Nombres 9,15 – 10,10 + 33-36

« La nuée reposait sur la demeure »

Père Paul-Marie de la Croix

L’Ancien Testament source de vie spirituelle, p. 564s

 

          La nuée est signalée dans presque toutes les théophanies de l’Exode et également en bien d’autres passages de l’Ancien Testament. Les auteurs sacrés ont tenté de la décrire : certains ont retenu son aspect ténébreux, d’autres son caractère lumineux. Cette impression d’étrangeté et de mystère augmente encore en raison de sa nature. On ne peut en effet imaginer de réalité plus impalpable. N’ayant ni forme, ni contour fixes, elle se refuse à toute description. Mais précisément, elle échappe par là au danger de représentation contre lequel Dieu n’a cessé de lutter dans l’Ancien Testament : Vous ne ferez aucune image taillée. La nuée ne laissera subsister dans l’esprit de l’homme aucune image.

          Paraissant habituellement au sommet des montagnes, elle invite à détacher les regards de la terre et n’offre au regard, dans le ciel lui-même, qu’une réalité quasi immatérielle.

          Sans doute, la nuée c’est encore une représentation sensible, mais à ce point délestée de ses caractères matériels qu’elle se trouve aux frontières du spirituel, et éminemment apte à en exprimer les mystères. Pour un peuple enfant, pouvait-on, parmi les symboles sensibles, en trouver un qui fût aussi spirituel et aussi adapté ? Comment, dès lors, la relation ne serait-elle pas spontanément établie dans son esprit, entre la nuée où Dieu se cache, et les caractères de la connaissance de la foi qui lui est demandée ?

          Ce peuple auquel si souvent fut interdite, sous quelque forme que ce soit, toute représentation de la divinité, et aux yeux duquel la mystérieuse présence se dérobe derrière des signes eux-mêmes impalpable, se trouve, non seulement gardé de l’erreur, mais positivement orienté vers une connaissance de foi véritable.

          La nuée comporte encore un autre caractère. Les textes sacrés nous la donnent comme ténébreuse d’un côté, et de l’autre éclairant la nuit. Cette complexité, sinon cette opposition, que les auteurs sacrés, non seulement ne tentent pas d’éluder, mais qu’ils soulignent, va permettre à l’âme de pénétrer dans les profondeurs de la foi. De fait, rien n’est plus représentatif de la connaissance de foi que ce clair-obscur qu’évoque invinciblement le récit biblique.