Nombres 11, 4-6 + 10-33

L’Esprit communiquait aux soixante-dix anciens

Origène

Homélies sur les Nombres, Tome I, SC 415, p. 145s

 

          Moïse choisit soixante-dix hommes parmi les anciens du peuple et les plaça devant la Tente du Témoignage. Alors, Dieu, prenant de l’Esprit de Moïse, en donna aux soixante-dix anciens, et tous, dit l’Ecriture, lorsque l’Esprit se fut reposé sur eux, prophétisèrent. Tu entends dire que Dieu prenant de l’Esprit de Moïse en donna aux soixante-dix anciens, mais ne va pas comprendre que Dieu enlève à Moïse, en quelque sorte, de la substance matérielle et corporelle, qu’il découperait en soixante-dix parts et qu’il donnerait ainsi en fraction minuscule à chacun des anciens ; il serai impie de concevoir de la sorte la nature de l’Esprit-Saint. Mais voici comment tu peux comprendre la forme mystérieuse de ce texte : Moïse et l’Esprit qui est en lui, sont comme une lampe très brillante, à laquelle Dieu en a allumé soixante-dix autres ; l’éclat de la première lumière s’est étendu à elles, sans que la source ait été appauvrie par cette communication. De cette  façon, on accorde un sens recevable à la parole : Le Seigneur prit de l’esprit de Moïse et en donna aux soixante-dix anciens.

            Mais, voyons la suite : Et l’Esprit reposa sur eux et tous prophétisèrent. L’Esprit, dans l’Ecriture, ne repose pas en n’importe quel homme, mais en les saints et les bienheureux. L’Esprit de Dieu repose sur ceux qui ont le cœur pur, et en ceux qui purifient leur âme du péché ; il n’habite pas un corps livré au péché, car l’Esprit ne peut souffrir ni partage ni communauté avec l’esprit du mal. Il est certain qu’au moment du péché, c’est l’esprit du mal qui est dans l’âme du pécheur et qu’il y joue son rôle. Aussitôt qu’on le laisse entrer et que nous l’accueillons en nous par de mauvaises pensées et par de misérables désirs, l’Esprit-Saint, plein de tristesse, mis à l’étroit pour ainsi dire, est chassé de chez nous. C’est pourquoi l’apôtre, sachant que les choses se passent ainsi, donnait ce conseil : N’attristez pas l’Esprit-Saint dans lequel vous avez été marqué au jour de la rédemption. Ainsi, par le péché, nous attristons l’Esprit-Saint. Au contraire, par une vie juste et sainte, nous lui préparons en nous un repos. Ce qui est dit des soixante-dix anciens, l’Esprit reposa sur eux, revient à faire l’éloge de leur vie et à manifester leurs vertus. Et comme l’Esprit a reposé sur eux à cause de la pureté de leur cœur, de la sincérité de leur âme, de la compréhension de leur esprit, il agit en eux aussitôt, n’admettant pas d’inactivité là où se trouve un terrain digne de son action. C’est ce qui fait dire à l’Ecriture : L’Esprit reposa sur eux, et ils prophétisèrent.