Sur Isaïe 58, 1-14
Le Carême, école de fidélité

Père Guillaume Jedrzejczak
Sur un chemin de liberté, Commentaire de la Règle de saint Benoît, p. 344

Le Carême est caractérisé chez saint Benoît par deux aspects fondamentaux. D’abord un aspect négatif : nous nous abstenons de tous les vices, abstinence de nourriture et de boisson, se priver de sommeil, de bavardage, de plaisanterie. Puis un aspect positif : ils gardent leur vie toute pure, nous nous adonnons à la prière, à la lecture, à la componction du cœur, ajoutons quelque chose à la tâche habituelle de notre service, attendre la sainte Pâque dans la joie du désir spirituel.
Le Carême n’est donc pas seulement privation, manque, absence, comme nous avons tendance à le penser, mais il a une dimension active, dynamique, porteuse de vie. Le Carême, c’est d’abord un temps privilégié pour retrouver l’élan de la vie spirituelle, le souffle du désir intérieur
Pour ce faire, nous avons besoin de deux choses : d’abord nous désencombrer, au propre comme au figuré, afin de nous alléger de notre graisse physique, mais aussi spirituelle, pour courir dans les voies de Dieu avec la douceur de l’amour. En outre, il est important d’enraciner et de nourrir cet élan dans la prière, dans la lectio divina, dans l’attention à nos frères. Si la vigne est émondée, ligaturée, elle est aussi enrichie par des engrais, arrosée quand il le faut ! C’est la condition pour qu’elle porte de bons fruits, et il en va de même pour nous !
Le Carême est aussi le temps de la joie. En effet, le mot gaudium revient à deux reprises dans ce chapitre : dans la joie de l’Esprit Saint et dans la joie du désir spirituel. La joie qui passe par le creuset de la privation, de l’absence ; le Carême n’est donc pas une joie facile ! Elle n’est pas en-deçà de la souffrance, elle ne s’y oppose pas, mais elle la dépasse, elle la transcende. La vraie joie, celle de l’Esprit Saint, ne peut être détruite par aucune difficulté, aucun événement malheureux. Elle n’a rien à voir avec ce simple bonheur dont nous faisons tous l’expérience. Elle vient d’au-delà de la difficulté, de la peine.
C’est la raison pour laquelle saint Benoît, d’une manière étonnante insiste sur la joie justement au moment du Carême, lors de la commémoration de la Passion du Seigneur qui précède la célébration de la Résurrection. Car la joie véritable, la joie de l’Esprit, suppose une pâque, un passage : la traversée de la mort et la résurrection. La joie est un don, le second don de l’Esprit, nous dit saint Paul, juste après l’amour, un don qui suppose un abandon. Elle suppose donc un renoncement à la toute-puissance, à cette volonté d’imposer à la vie, aux événements, aux êtres, notre propre désir. La joie véritable ne peut naître que de la brisure de notre cœur, du consentement à la pauvreté !