Galates 2,19-3,14 + 6,14-16

Jésus crucifié

Roselyne Dupont-Roc

Les lettres de Paul et la Parole de la Croix, CE 166, p. 17s

 

                Poussant le paradoxe à l’extrême, Paul fait de la croix l’étendard de la liberté et l’unique cause de sa fierté : peu lui importe d’avoir perdu tous les motifs de fierté liés à son appartenance juive ! Que jamais je ne me vante sinon de la croix du Christ, par laquelle le monde est crucifié pour moi et pour le monde. Etrange affirmation que cette relation crucifiée au monde : la croix du Christ, dont Paul a fait le signe de l’action transformante de Dieu, devient ici l’opérateur d’un salut qui, loin de détourner l’apôtre du monde et des hommes, l’y renvoie. La relation au monde ne peut se faire que sous le signe de la croix, car la croix met le monde en crise, y inscrivant le renversement de toutes les valeurs religieuses et sociales. Or, ce n’est qu’en acceptant d’entrer dans la puissance de métamorphose de la croix que le monde découvrira le chemin d’un salut.

                Dans cette finale de la lettre aux Galates, nous cernons mieux la force opératoire que la figure de la croix endosse dans la pensée de Paul. L’expression a bougé depuis la lettre aux Corinthiens ; ce n’est plus la parole/discours de la croix, car le logos ne revêt pas pour les Galates le prestige qu’il avait aux yeux des Corinthiens. La déduction qui les détourne de la vérité de l’Evangile vient de la Loi juive, d’une Loi qui est d’abord Ecriture, porteuse d’une alliance offerte par Dieu, moyennant l’acceptation de prescriptions et de pratiquent qui séparent. C’est aussi dans la référence incontournable à l’Ecriture que Paul doit situer la croix.

                Paul invite les Galates à lire l’Ecriture et tous ses récits sous l’unique point de vue de la première écriture qu’il leur a présentée : Jésus Christ crucifié. La croix du Christ est pour les Galates la première écriture, celle qui les a précédés, qu’ils ont accueillis dans l’Esprit, par l’écoute de la foi. Elle n’est pas seulement première parce qu’ils l’ont d’abord reçue, elle est première car elle fonde et interprète toute l’histoire du salut. Et c’est bien cette pro-écriture que Paul remet en scène dans son propre écrit, sa lettre, pour en actualiser la réception. A partir de Jésus-Christ, l’Ecriture offerte à l’avance et en tête, c’est la croix : elle précède et éclaire toute autre écriture, Ancien et Nouveau Testament compris.