Sur Luc 4, 1-13
Il fut tenté

Saint Ambroise
Traité sur l’évangile de Luc, Livre IV, Sources Chrétiennes 45, p. 152s

C’est à juste titre que notre Seigneur Jésus, par son jeûne et par sa solitude, nous aguerrit contre les attaques des voluptés, et que notre Seigneur souffre d’être tenté par le diable, pour qu’en lui nous apprenions tous à triompher.
Il y a lieu de se rappeler comment le premier Adam fut chassé du paradis au désert, pour remarquer comment le second Adam revint du désert au paradis. Adam est au désert, au désert aussi est le Christ. Du moment qu’au paradis Adam avait, faute de guide, perdu la route qu’il suivait, comment au désert eût-il pu sans guide regagner la route perdue ? Suivons donc le Christ, suivons ses traces et nous pourrons revenir du désert au paradis.
Jésus, rempli de l’Esprit Saint, est conduit au désert à dessein pour provoquer le diable et pour délivrer Adam de l’exil. Quarante jours, c’est le nombre d’années où nos Pères, vivant au désert, obtinrent le pain des anges pour entrer dans la terre promise ; c’est par autant de jours de jeûne du Seigneur que s’ouvre à nous l’entrée dans l’évangile.
Et le Seigneur eut faim ! Il avait faim, non de la nourriture du corps, mais du salut. La faim du Seigneur est une pieuse ruse : le diable, leurré par la vue de sa faim, allait le tenter comme un homme, et rien, pensait-il, n’empêcherait le triomphe ! Par les trois tentations, nous apprenons qu’il existe trois principaux javelots du diable dont il a coutume de s’armer pour blesser l’âme : l’un de la gourmandise, l’autre de la vanité, le troisième de l’ambition.
Voyez quelle sorte d’arme le Seigneur emploie pour défendre l’homme contre les assauts de l’esprit pervers. Il n’use pas de sa puissance en tant que Dieu, mais en tant qu’homme il a recours à la ressource commune : être occupé à se nourrir de la lecture divine, au point de négliger la faim du corps et d’acquérir l’aliment de la parole céleste.
Vient ensuite la flèche de la vanité, sur le faîte du Temple. Telle est en effet la vanité : quand on croit s’élever plus haut, le désir de faire des actions d’éclat précipite les abîmes. Le troisième piège est celui de l’ambition ; l’institution des pouvoirs est de Dieu, mais l’ambition du pouvoir vient du malin.
Adam fut alléché par la nourriture ; puis il pénétra avec une présomptueuse assurance au lieu où se trouvait l’arbre interdit, et encourut le reproche d’ambition téméraire en visant à être comme Dieu.
Nul ne peut être couronné s’il n’a vaincu, nul ne peut vaincre s’il n’a pas d’abord combattu. S’il vous arrive d’être tenté, sachez qu’une couronne se prépare.