Sur Luc 5, 1-11
« Désormais tu seras pêcheur d’hommes »

Ludolphe le Chartreux
La vie de Jésus Christ, première partie, chapitre 29, 9-11

Ils remplirent les deux barques à tel point qu’elles s’enfonçaient. Cette merveille accomplie par le Christ plongea Simon Pierre et ses compagnons dans un étonnement et une admiration qui absorbaient tout leur esprit. Pierre, comprenant que ce ne pouvait être là l’effet d’une puissance humaine, se jette avec humilité aux genoux de Jésus. Il reconnaît en lui son Seigneur et lui dit : Retire-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur, et je ne suis pas digne de demeurer en ta compagnie. Retire-toi de moi, car je suis seulement un homme et tu es l’Homme-Dieu, je suis pécheur et tu es saint, je suis serviteur et tu es Seigneur. Qu’une distance te sépare de moi qui suis séparé de toi par la fragilité de ma nature, la laideur de mes fautes et la faiblesse de mon pouvoir.
Mais le Seigneur console Pierre en lui montrant que la capture des poissons signifie qu’il sera pêcheur d’hommes. « Ne crains pas, lui dit-il, ne t’effraie pas ; crois plutôt et réjouis-toi, car tu es destiné à une pêche bien plus grande ; une autre barque et d’autres filets te seront donnés. Jusqu’à présent tu as pris des poissons avec des filets, désormais c’est par la parole que tu prendras des hommes. Par la sainte doctrine, tu attireras sur le chemin du salut, car tu es appelé au service de la prédication. La parole de Dieu est semblable à l’hameçon du pêcheur. De même que l’hameçon ne prend le poisson qu’après d’abord avoir été pris par lui, ainsi la parole de Dieu ne prend l’homme pour la vie éternelle que si cette parole a d’abord pénétré son esprit. Désormais, ce sont des hommes que tu prendras. Désormais, c’est-à-dire après ce qui s’est passé, après le témoignage de ton humilité, tu auras la charge de prendre des hommes, car l’humilité a une force d’attraction, et pour commander aux autres, il est bon de savoir se glorifier de son pouvoir. »
Avec ses compagnons, Pierre n’avait rien pris en une nuit de labeur. Sur la parole du Christ, il a jeté son filet et pris une multitude de poissons. Quant à lui, il ne s’attribua rien d’autre que ses péchés : Retire-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. Voilà bien le modèle de la prédication évangélique. Celui qui compte sur ses propres forces ne sert à rien, mais celui qui s’appuie sur la grande force de Dieu est utile. Pierre, après avoir pris tous ces poissons, s’est jeté aux genoux de Jésus. Cela nous donne à entendre qu’un prédicateur qui a gagné beaucoup d’hommes par sa prédication et ses exhortations doit s’humilier devant Dieu et tout lui attribuer, ne se réservant à lui-même que ce qui a été défectueux. Alors, le Seigneur le réconfortera en lui disant : « Ne crains pas : un plus grand succès t’est promis dans l’avenir ; désormais tu prendras plus d’hommes encore ».