Sur Genèse 41,56 – 42,26
La voix de la conscience
Saint Jean Chrysostome
Homélie 64 sur la Genèse, n° 2

Si vous avez des intentions pacifiques, dit Joseph à ses frères, que l’un d’entre vous reste détenu dans cette prison. Vous autres, partez en emportant vos provisions de blé. Puis vous m’amènerez votre plus jeune frère et je pourrai croire à vos paroles. Sinon, vous mourrez. Considérez la sagacité de Joseph. Voulant à la fois témoigner sa bienveillance à ses frères, subvenir aux besoins de son père, et savoir la vérité au sujet du jeune Benjamin, il enjoint à l’un d’entre eux de rester et invite les autres à repartir.
Mais voilà que le juge incorruptible, je veux dire la conscience, se dresse devant les frères de Joseph. Sans que personne les mette en cause, ni ne les accuse publiquement, ils se font leurs propres accusateurs. Ils se dirent, en effet, l’un à l’autre : C’est justice ; nous étions coupables au sujet de notre frère Joseph. Nous sommes restés indifférents à son angoisse, quand il nous suppliait, et nous ne l’avons pas écouté. C’est pourquoi cette détresse s’est abattue sur nous.
Voilà bien le déroulement du péché : c’est lorsqu’il est accompli et passé dans les actes qu’il laisse éclater l’énormité de sa folie. Comme un ivrogne, tant qu’il est gorgé de vin, n’a aucune perception du mal que lui fait l’alcool et n’apprend qu’ensuite, à l’expérience, l’importance des dégâts, ainsi le péché, tant qu’il n’est pas consommé, affaiblit la pensée et obscurcit le raisonnement, comme un épais nuage. Mais ensuite, la conscience se cabre, elle déchire l’âme plus violemment que n’importe quel accusateur et montre l’absurdité des actes posés.
Contemple donc les frères de Joseph : ils arrivent à comprendre leur méchanceté, ils avouent le crime commis, maintenant qu’ils voient le danger au-dessus de leurs têtes : C’est justice, nous étions coupables au sujet de notre frère Joseph ; nous sommes restés insensibles devant son angoisse. Ce n’est pas par hasard, sans raison, que nous sommes dans la peine. Nous l’avons mérité et bien mérité. Nous subissons le châtiment de la cruauté et de l’inhumanité avec lesquelles nous avons traité notre frère, car nous sommes restés indifférents à sa détresse alors qu’il nous suppliait, et nous ne l’avons pas écouté. Nous avons été sans cœur, nous avons été très cruels. Voilà pourquoi maintenant nous subissons la même épreuve. Voilà pourquoi cette détresse s’est abattue sur nous.