Sur Exode 32,1-6 . 15-34
Le dévoiement : le péché

Ysabel de Andia
La voie et le voyageur, p. 141-142

Un événement déroute ou dévoie l’homme et brouille l’image et la ressemblance, c’est le moment où l’homme se détourne de Dieu par la désobéissance à sa volonté, se faisant le principe et la fin de lui-même, et, par cette orgueilleuse exaltation de soi, perdant le chemin vers Dieu et le chemin vers son propre cœur. Le péché ternit la ressemblance de l’homme, avec Dieu, et l’homme, coupé de sa source, entre dans la région de la dissemblance où il perd ses repères et ne se retrouve plus lui-même.
Ce qui distingue la faute du péché, c’est la référence à Dieu : Contre toi et toi seul j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. C’est face à Dieu que le péché prend son sens et sa gravité, car la grandeur du péché est due à la grandeur de l’offensé. Certes l’obscurcissement du sens du péché vient de l’effacement du sens de Dieu ; mais l’insensé ou l’impie n’efface pas son péché en niant l’existence de Dieu ou sa puissance. L’impie se loue des désirs de son âme, l’homme avide qui bénit méprise le Seigneur, l’impie arrogant ne cherche point : Pas de honte !, voilà toute sa pensée. Bien plus, la voix du péché se substitue à la parole de Dieu : C’est un oracle pour l’impie que le péché au fond de son cœur, point de criante de Dieu devant ses yeux.
L’homme n’est pas au-delà du bien et du mal, définissant par lui-même ce que sont le bien et le mal. La conscience du bien et du mal est inscrite dans son cœur, elle est universelle, même si ce qui est bien ou mal n’est pas le même pour tous. L’homme ne peut échapper à sa conscience, comme il ne peut échapper au regard de Dieu : Où m‘en aller pour être loin de ton souffle ? Où m’enfuir pour être loin de ta face ? Je gravis les cieux, te voici ! Je me couche aux enfers, te voilà !
Lorsque je commets un péché, je découvre que je suis pécheur : Vois, je suis pécheur dès le sein de ma mère. La mise à nu de mon être pécheur me renvoie à un péché originel implanté dès les origines, comme une racine dans mon humanité, un mal radical. C’est ici que la Bible jette la lumière de la révélation sur le mystère du mal, car il y a un mystère de l’impiété, selon saint Paul, comme il y a un mystère de la piété. Non seulement Dieu se révèle à l’homme, mais il révèle l’homme à lui-même en se révélant à lui. La Genèse fait le récit de la chute d’Adam après celui de sa création ; car l’homme est d’abord un être créé à l’image et à la ressemblance de Dieu avant de perdre sa ressemblance par le péché. Il est fils avant d’être pécheur, et sa filiation est plus profonde que son péché. C’est pourquoi, la conversion de l’homme à Dieu advient au moment où le fils prodigue se souvient du Père et veut retourner à la maison de Père, non comme fils, car il a conscience de sa faute, mais comme esclave : Père, j’ai péché contre le ciel est contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils.