Sur Matthieu 6,1-6 . 16-18
La prière et ses deux ailes : l’aumône et le jeûne

Saint Augustin
Sermons 206 au peuple, 2ème sermon pour le Carême, OC 18, p. 106s

Voici le retour annuel du temps de Carême : je me sens obligé de vous adresser quelques exhortations : offrez au Seigneur des œuvres appropriées à ce temps de préparation aux fêtes de Pâques. Non que ces œuvres soient utiles au Seigneur ! Non, c’est vous qui en profitez et en recueillerez les fruits. Pendant toute l’année, un chrétien doit s’appliquer à la prière, au jeûne, à l’aumône. Mais la solennité de ce temps de Carême devrait exciter l’ardeur de ceux qui, en temps ordinaire, négligent de le faire et inspirer une ferveur nouvelle à ceux qui s’y adonnent fidèlement et avec zèle. Toute notre vie, ici-bas, est le temps de l’humilité, dont nous voyons le signe au cours de ces jours où le Christ notre Seigneur qui a souffert et est mort pour nous, une fois pour toutes, semble renouveler chaque année les souffrances de sa passion. Si nous mourons avec le Christ, dit l’apôtre, nous vivrons avec lui ; si nous souffrons avec lui, nous règnerons aussi avec lui.
Nous célébrons avec ferveur les deux conditions de l’existence humaine : la première quand arrive la commémoration de la passion ; la seconde nous la fêtons aux jours de Pâques. Après les jours de son abaissement, sans voir encore le temps où nous vivrons en haut, près de Dieu, nous aimons le méditer par avance et le représenter dans des signes. Persévérons dans les supplications et nous pourrons alors nous réjouir dans les chants de joie et de louange.
Pour que nos prières prennent plus facilement leur essor et parvenir jusqu’à Dieu, il faut leur donner les deux ailes de l’aumône et du jeûne. Or un chrétien comprend combien il doit être éloigné de prendre le bien d’autrui, quand il voit clairement que c’est une espèce de larcin de ne pas donner son superflu à l’indigent. Notre Seigneur nous a dit : Donnez et on vous donnera. Pratiquons avec charité, avec ferveur, ces deux sortes d’aumônes, l’assistance du pauvre et le pardon des injures, nous qui prions Dieu de nous combler de biens. Que vos jeûnes ne soient pas semblables à ceux que condamne le prophète, lorsqu’il s’écrit : Est-ce là le jeûne dont j’ai fait le choix, dit le Seigneur ? Le Seigneur n’a pour agréables que les jeûnes de ceux qui sont charitables ; il aime ceux qui allègent les fardeaux de leurs frères, ceux qui remettent les offenses.
Ainsi, que votre prière prenne appui sur l’humilité et la charité, sur le jeûne et sur l’aumône, sur l’abstinence et le pardon des injures, sur le soin que vous aurez de faire le bien au lieu de rendre le mal. Une telle prière ne peut que s’élever plus facilement dans les cieux où vous a précédés Jésus, le Christ, lui qui est notre paix.