Sur Jean 17, 20-26
Que tous soient un comme nous sommes un
Jean Cassien
Conférences, Tome II, Sources Chrétiennes n° 54, p. 80s

Source inviolable de la sainteté, notre Seigneur n’avait nul besoin pour s’établir dans une pureté parfaite du secours extérieur de l’éloignement des hommes et de la solitude. Il se retire cependant à l’écart sur le montagne pour prier, afin de nous apprendre par son exemple que, si nous voulons nous aussi prier Dieu d’un cœur pur et vierge, nous devons comme lui nous séparer de l’agitation désordonnée des foules. Ainsi, en cette chair mortelle, nous pourrons nous conformer déjà en quelque mesure à cet état bienheureux promis aux saints dans le monde à venir, et, comme le dit l’apôtre, Dieu sera pour nous tout en tous.
Notre Sauveur a fait à son Père cette prière pour ses disciples : Que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et eux en nous, et encore : Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous. Cette prière se réalisera pleinement en lorsque l’amour dont Dieu nous aima le premier sera passé dans le mouvement même de notre cœur, par l’accomplissement de cette prière du Seigneur qui, nous le croyons, ne saurait être vaine.
Cela se fera lorsque tout notre amour, tout notre désir, tout notre effort, toute notre recherche, toute notre pensée, tout ce que nous vivons et dont nous parlons, tout ce que nous respirons, ne sera que Dieu ; lorsque l’unité présente, du Père avec le Fils, et du Fils avec le Père, nous sera communiquée dans notre sentiment et dans notre esprit, c’est-à-dire quand, imitant la charité vraie, pure et indestructible dont il nous aime, nous lui seront unis nous aussi par une charité continuelle et inaltérable, tellement attachés à lui que toute notre respiration, toute notre pensée, tout notre langage ne seront que lui.
Ainsi parviendrons-nous au but dont nous avons parlé, et que le Seigneur, dans sa prière, souhaitait voir s’accomplir en nous : Que tous soient un comme nous sommes un, moi en eux, toi en moi, afin que leur unité soit parfaite, et : Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi.
C’est à cela qu’est destiné le solitaire, vers cela qu’il doit porter tout son effort : avoir la grâce de posséder, dès cette vie, l’image de la béatitude future, et comme un avant-goût, dans son corps mortel, de la vie et de la gloire du ciel.