Sur Luc 18, 9-14
Le pharisien et le publicain

Saint Augustin
Sermons au peuple, 1ère série, sermon 115,2, OC 17, p. 190s

Deux hommes montent au Temple pour prier ; l’un est pharisien, l’autre publicain. Le pharisien, debout, prie en lui-même : Mon Dieu, je Te rends grâce de ce que je ne suis point comme le reste des hommes. Il aurait dû se contenter de dire : comme beaucoup d’hommes. Que signifie comme le reste des hommes ? Moi, je suis juste, dit-il, tous les autres sont pécheurs : Je ne suis pas comme le reste des hommes qui sont injustes, voleurs, adultères. Et voici près de toi un publicain qui te donne occasion de t’enorgueillir davantage ! Ni même comme ce publicain. Je suis seul de mon côté, il est du nombre des autres. Je ne suis point semblable à lui, parce que je fais des œuvres de justice qui me séparent des hommes d’iniquité. Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède. Qu’a-t-il demandé à Dieu ce pharisien ? Cherche dans ses paroles, tu ne trouveras rien. Il vient au Temple pour prier, il ne fait que se louer. Il ne loue pas Dieu, il se loue soi-même. Et c’est encore trop peu : il exprime son mépris pour celui qui prie, ce publicain.
Le publicain, au contraire, se tient debout, à distance, et pourtant, il est, lui, debout, proche de Dieu. La conscience de son cœur l’émeut, un sentiment filial l’attache au Seigneur. Le publicain se tient là, loin, dit l’Ecriture, Dieu l’écoute de près. Car le Seigneur est le Très-Haut, mais il regarde les humbles ; il connaît de loin les grands, tel ce pharisien. Il y a des élévations que Dieu connaît, de loin, mais ne pardonne pas.
Ecoute l’humble prière du publicain : non seulement il se tient loin, à distance, mais encore il n’ose même pas lever les yeux au ciel. Pour que le Seigneur daigne jeter sur lui un regard, il ne regarde pas. Il n’ose pas regarder en haut, sa conscience l’écrase, son espérance le soulève. Ecoute encore : Il se frappe la poitrine. Le châtiment, il en est l’exécuteur sur lui-même. Pourquoi s’étonner que Dieu oublie ses fautes, lui fasse miséricorde, lorsque lui-même les reconnaît ! Ecoute ce qu’il dit au Seigneur en se frappant la poitrine : Seigneur, aie pitié de moi qui suis un pécheur ! Voilà un homme qui prie. Quoi d’étonnant si Dieu ne connaît plus la faute quand le pécheur la reconnaît.
Tu as entendu l’orgueilleux accusateur, tu as entendu la défense de l’humble coupable ; écoute maintenant la sentence du juge : En vérité, je vous le dis, ce publicain revînt en sa maison justifié, non le pharisien. Quelle en est la raison ? Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé.