Sur Sagesse 1, 16-2,24
Le juste : un gêneur

Père Maurice Gilbert
Le juste traqué, AS 56, p. 30s

Pour l’impie, le juste se découvre parmi les pauvres et les faibles. Ouvrant cette partie agressive du discours des impies, l’auteur du livre de la Sagesse écrit : Opprimons le juste pauvre, n’épargnons pas la veuve, soyons sans égard pour les cheveux blancs du vieillard. Que notre force soit la loi de la justice, car ce qui est faible s’avère inutile.
Les impies recourent à la force pour imposer leur loi aux justes. Quel contraste avec l’action de Dieu dont l’auteur dira plus loin : C’est ta force, Seigneur, qui est principe de ta justice, et ton empire sur toutes choses te fait ménager tout.
Décision prise par l’impie, principe posé : Tendons un piège au juste puisqu’il nous gêne ! Tendre un piège en secret pour tuer un innocent, pour voler un pauvre, voilà aux yeux du psalmiste ce que les impies trament ; l’auteur de la Sagesse se souvient de ce texte : Lions le juste puisqu’il nous gêne !
En quoi le juste est-il devenu un gêneur ? Tout d’abord du fait qu’il s’élève contre notre conduite, qu’il nous reproche nos manquements à la Loi. Le juste s’en prend donc ouvertement aux apostats pour leur dire leur fait ; des renégats, des partisans de l’hellénisation, il ne devait pas en manquer alors à Alexandrie, ville où fut rédigé le livre de la Sagesse. D’après ce livre (2,12), les impies accusent le juste d’empêcher leur action, de leur reprocher de faillir à la Loi, à leur éducation ; l’apostat, lui, renie la moelle de son passé, toute cette formation religieuse qui eût dû faire de lui un croyant humble et fidèle.
Le juste ne manque pas de courage : il ne peut s’empêcher de proclamer sa foi, de mettre en accusation le genre de vie qui s’y oppose. Il n’a pas peur d’appeler mal ce qui est mal, surtout quand ce mal est mis en œuvre par ceux dont l’éducation permettait de penser que la Loi divine ne resterait pas écrite sur des pierres, mais dans leur cœur de chair. Quand le croyant fléchit, son frère doit lui rappeler la Parole de Dieu et la conduite à suivre : flatte-toi de posséder la connaissance de Dieu, de te nommer fils de Dieu ; proclame heureux le sort final des justes et vante-toi d’avoir Dieu pour Père.