Sur Matthieu 4, 12-23
L’Arbre du Christ

Saint Nicolas Vélimirovitch
Homélies sur les évangiles, p. 358s

Si le Christ avait agi à la manière des hommes, il n’aurait pas choisi douze pêcheurs pour être ses apôtres, mais douze monarques terrestres. S’il avait voulu voir tout de suite la réussite de ses efforts et cueillir les fruits de son labeur, Il aurait pu, grâce à sa force irrésistible, baptiser les douze plus puissants rois sur terre et faire d’eux ses disciples et apôtres. Songez seulement comme le Christ serait devenu aussitôt célèbre dans le monde entier ! Songez à la vitesse à laquelle son enseignement se serait répandu sur toute la terre ! Songez à la facilité avec laquelle l’Eglise du Dieu vivant et unique se serait établie dans tout le genre humain ! Sans aucune peine, le Christ se serait alors élevé sur un trône royal unique, d’où il aurait régné, par l’intermédiaire des douze rois obéissants et agissant comme ses assistants, sur tous les peuples de la terre entière. Mais songez à ce qui aurait résulté d’un tel royaume mondial, créé en toute hâte par la force et le génie d’un homme. Il en aurait été de même qu’avec tous les autres royaumes terrestres, avant et après le Christ ; avec son fondateur, un tel royaume se serait retrouvé sur son lit de mort, et le monde serait revenu au point de départ, où tout avait débuté.
Comme le Christ a été sage de ne pas commencer à bâtir son Royaume avec des rois, mais avec des pêcheurs ! Comme il est bon et salvateur pour nous qui vivons deux mille ans après son œuvre sur la terre qu’il n’ait pas vu le succès final de son labeur, ni récolté les fruits de son labeur pendant sa propre vie ! Il a souhaité planter la semence de sa parole profondément dans les ténèbres souterraines, puis s’éloigner vers sa maison. C’est ce qu’il fit. Ce n’est pas seulement dans la nuit des simples pêcheurs de la mer de Galilée que le Seigneur a planté la semence de l’Arbre de Vie, mais il l’a fait jusque dans la nuit de l’Hadès, avant de s’éloigner. L’arbre a poussé lentement, très lentement. Des vents frénétiques l’ont fait tanguer, afin de le casser, mais en vain. Des adversaires ont eu beau couper l’Arbre jusqu’au sol, les racines n’ont cessé de générer de plus en plus de pousses ; au fur et à mesure qu’on le coupait, l’Arbre s’est développé de plus en plus obstinément et rapidement. Les forces démoniaques creusaient profondément sous terre, plus profondément que les catacombes, pour arracher les racines ; mais plus on secouait l’Arbre, plus ses racines devenaient résistantes et ses bourgeons de plus en plus nombreux et ses pousses luxuriantes. C’est pourquoi l’Arbre du Christ qui a été planté d’une manière divine et non humaine, fleurit et donne des feuilles aujourd’hui encore, après deux mille ans, et apporte de doux fruits pour les hommes et pour les anges, et étincelle de fraîcheur et de beauté comme s’il avait été planté il y a un siècle.