sur Romains 9, 1-18
La vraie dévotion
Saint François de Sales
Introduction à la vie dévote, Trésors du Christianisme, Cerf, 2007, p. 48s

Une authentique vie spirituelle suppose que l’amour de Dieu soit en nous. Elle n’est pas même autre chose que cet amour de Dieu, s’il est véritable. Pas un amour commun. Car si nous appelons grâce l’amour divin lorsqu’il embellit notre âme et nous rend agréables à sa divine Majesté, si nous l’appelons charité lorsqu’il nous donne la force de bien faire, il devient dévotion, authentique vie spirituelle lorsqu’il accède à ce degré de perfection où il ne s’agit plus seulement de bien faire, mais de tout faire avec soin, constance et promptitude. Les autruches ne volent jamais, les poules lourdement, rarement, et pas très haut ; mais les aigles, les colombes, les hirondelles volent souvent, rapidement, et très haut. Ainsi les pécheurs ne volent pas dans le ciel de Dieu, mais courent sur la terre et pour la terre ; les gens de bien qui n’ont pas encore accédé à la vraie dévotion volent bien dans le ciel de Dieu, grâce à leurs bonnes actions, mais si lentement, si rarement, et combien lourdement. Alors que les personnes dévotes volent dans le ciel de Dieu fréquemment, promptement et très haut. Bref l’authenticité de la vie spirituelle se vérifie par l’agilité et la vivacité avec lesquelles la charité opère en nous et nous par elle. Promptitude et amour. Oui, car comme il revient à la charité de nous faire pratiquer toujours et partout les commandements de Dieu, il appartient à la dévotion de nous les faire pratiquer promptement et diligemment. C’est pourquoi, qui n’observent pas les commandements n’est ni bon, ni dévot. Ni bon, puisque pour l’être il faut avoir la charité, ni dévot puisque pour l’être, outre la charité, il faut se porter vivement et promptement aux actions charitables.
S’il est vrai que la dévotion, l’authentique vie spirituelle, est l’excellence de la charité, non seulement elle nous rend prompts, actifs, et diligents dans l’obéissance aux commandements, mais elle nous pousse à faire promptement et de tout cœur le plus grand nombre de bonnes œuvres, y compris celles qui ne sont nullement obligatoires, qui ne relèvent que des conseils évangéliques et des bonnes inspirations. La charité est un feu spirituel ; embrasée, elle devient dévotion. La dévotion n’ajoute rien au feu de la charité, mais la flamme de la dévotion rend la charité prompte, active, ardente, non seulement dans l’observance des commandements, mais dans la pratique des conseils et de l’obéissance aux inspirations.