sur Romains 11, 1-12
« Il nous a sauvés »
Cardinal Carlo Maria Martini
En chemin avec Timothée, p. 55s

Proclamer le primat de Dieu, voilà ce qui inspire avec force l’apôtre Paul quand il écrit à Timothée (2 Tim 1,9), voilà ce qui le conduit et marque son existence entière. La dimension positive de la création et de la rédemption est l’amour de Dieu pour nous. Il nous appelle à devenir ses enfants, il nous appelle d’une sainte vocation. On pourrait ajouter que la dimension négative de la rédemption est que Dieu nous a sauvés, il nous a tirés d’une situation de mort pour nous conduire en une situation de vie.
On entend souvent cette question, mais de quoi le Seigneur nous a-t-il sauvés ? Si l’on répond : il nous a libérés du mal, de l’esclavage du péché, on objecte : qu’est-ce que le mal ? Qu’est-ce que le péché ?
L’expression Il nous a sauvés ne devrait, à mon avis, jamais être banalisée en une formule. Car la conscience d’être sauvés prend une signification concrète en nous, dans la mesure où nous découvrons l’ampleur qu’a le règne du mal. En d’autres termes, nous percevons la valeur de cette expression lorsque nous faisons l’expérience de cela même dont nous sommes sauvés, lorsque nous découvrons en nous-mêmes combien sont actives, comment agissent, les forces qui nous rendent esclaves, qui nous détruisent, nous anéantissent intérieurement et faussent toutes perspectives.
Au début de notre vie chrétienne, on ne saisit pas vraiment ce en quoi consiste la libération du mal ; en revanche, Timothée qui a déjà fait des pas vers une foi adulte découvre en lui-même et autour de lui des forces destructrices sans cesse à l’œuvre ; il s’aperçoit que l’égoïsme l’emporte sur le souci des autres, que l’orgueil aspire au pouvoir, au succès, que la fringale de réussir corrompt le cœur, que la fragilité humaine est sans remède en elle-même. C’est ainsi qu’il parvient à pressentir l’absolue nécessité d’être sauvé par un autre ?
Nous percevons intensément la grandeur de l’amour de Dieu qui nous sauve de nos désespoirs, au fur et à mesure que nous avançons sur le chemin de l’Evangile, et que nous éprouvons le poids de notre faiblesse, tout ce qui nous sépare de l’amour de Dieu en Jésus-Christ.